Un an après le déploiement officiel de la force multinationale d’appui à la sécurité en Haïti, le bilan est pour le moins sombre. Cette force multinationale, avec le soutien de plusieurs pays, notamment le Kenya en première ligne, visait à appuyer la Police nationale d’Haïti (PNH) pour rétablir l’ordre face à la montée fulgurante de la violence des gangs armés. Pourtant, sur le terrain, aucune amélioration notable n’a été constatée.

Malgré les promesses de reprise des grands axes routiers, aucune route nationale contrôlée par les gangs n’a été récupérée. Les routes  reliant la capitale aux provinces comme la Route nationale #1 vers le Nord, la Route nationale #2 vers le Sud ou la Route nationale #3 vers le Centre restent aux mains de groupes armés, empêchant la libre circulation des personnes et des biens. Les convois de marchandises sont régulièrement interceptés, rançonnés ou incendiés, accentuant l’insécurité alimentaire et la crise économique dans les régions enclavées.

Port-au-Prince, autrefois centre de l’administration et de l’économie haïtienne, est aujourd’hui une ville assiégée. On estime que plus de 80 % de la capitale est sous le contrôle de groupes armés. Croix-des-Bouquets, Torcelle, Canaan, Mirbalais, Martissant ou encore Bel-Air sont devenus des zones de non-droit où la population vit dans la terreur quotidienne.

Les crimes les plus atroces y sont commis : massacres, viols collectifs, enlèvements, pillages de maisons. Des milliers de familles sont déplacées, errant sans refuge stable, fuyant les exactions des gangs.

Face à l’escalade de la violence, les institutions publiques et même certaines représentations internationales ont déserté leurs bureaux du centre-ville pour se replier dans les hauteurs plus sécurisées de Pétion-Ville ou de Delmas. Ce repli illustre la faillite de l’État haïtien, incapable d’assurer la sécurité du territoire et de ses citoyens.

L’administration publique fonctionne au ralenti. Les ministères sont paralysés, les services de base quasi inexistants, et la population, livrée à elle-même, ne perçoit plus la présence de l’État que par son absence.

L’arrivée de la force multinationale avait suscité un espoir chez une population éprouvée par des années de violence. Mais force est de constater que, jusqu’à présent, ni la PNH, en manque cruel de moyens et de personnel, ni la force internationale, dont le mandat semble flou et les actions limitées, n’ont été en mesure de contenir la puissance de feu et l’organisation des gangs armés.

Les bandits continuent de circuler librement, mieux armés, mieux organisés, et agissent en toute impunité. Les massacres se poursuivent, les enlèvements se multiplient, et les violations des droits humains atteignent un niveau insoutenable.

La situation actuelle révèle non seulement l’inefficacité des dispositifs de sécurité, mais surtout la faiblesse structurelle d’un État qui a, en grande partie, fui face aux gangs. L’autorité centrale est presque inexistante. Le gouvernement de transition, largement critiqué pour son incompétence et son immobilisme, semble dépassé par les événements, incapable de prendre des décisions fortes et cohérentes.

À ce stade, Haïti traverse une des pires crises de son histoire contemporaine. La réponse internationale paraît inadéquate, et l’État haïtien se montre impuissant. Ce constat appelle à une révision complète de la stratégie sécuritaire et à un sursaut de responsabilité politique, tant au niveau national qu’international. Car si rien ne change, la descente aux enfers pourrait se transformer en effondrement total de la nation.

Dixie B. THELUSMOND

Dixiebthe@gmail.com