L’ex Premier ministre par intérim, Claude Joseph, a comparu ce mercredi devant la cour d’appel de Port-au-Prince, dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat du président Jovenel Moïse. Désigné comme suspect dans l’ordonnance du juge d’instruction Walter W. Voltaire, M. Joseph a saisi l’occasion pour dénoncer ce qu’il qualifie de « mascarade judiciaire » et de « récompense aux assassins ».
Durant plusieurs heures d’audition, l’ex-chef du gouvernement a fermement rejeté les accusations portées contre lui, critiquant violemment le juge Voltaire et pointant du doigt l’actuel Premier ministre, Ariel Henry. Selon lui, l’instruction judiciaire est entachée d’irrégularités et de manipulations politiques.
« C’est une ordonnance bancale, conçue pour récompenser les assassins et les adversaires politiques. Le juge n’a pas osé écrire que le président s’est suicidé, parce qu’il aurait eu honte », a-t-il lancé à la barre.
Chef du gouvernement au moment du drame survenu dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021, Claude Joseph s’est présenté devant les juges comme « le Premier ministre le plus fidèle » au président assassiné. Il a mis en avant ses démarches diplomatiques, notamment sa lettre adressée au secrétaire d’État américain Antony Blinken pour solliciter l’intervention du FBI, ainsi que la déclaration de l’état de siège sur tout le territoire national.
M. Joseph a souligné avoir toujours soutenu les enquêteurs haïtiens de la DCPJ sans jamais interférer dans leurs travaux, même en période d’état de siège. Il a toutefois regretté que le rapport de la DCPJ ne mentionne pas les appels téléphoniques présumés entre Ariel Henry et Joseph Félix Badio, l’un des principaux suspects.
L’ancien Premier ministre a également dénoncé des entraves au sein de l’administration d’Ariel Henry, citant la révocation de l’ancien commissaire du gouvernement Bedford Claude et celle de l’ex-ministre de la Justice Rockefeller Vincent. Il affirme qu’Ariel Henry aurait exigé de valider les mandats judiciaires avant leur exécution, ce qu’il considère comme une tentative d’ingérence.
Claude Joseph assure qu’il s’était opposé à ces révocations, refusant même de signer l’arrêté présidentiel les officialisant. Il a également évoqué ses démarches diplomatiques après son départ du gouvernement, notamment une rencontre avec le Secrétaire général de l’OEA, Luis Almagro, dans le but de relancer l’enquête.
Le ministère public, présent à l’audience, a remis en question la sincérité de l’engagement de Claude Joseph dans la quête de justice. Selon l’accusation, la déclaration de l’état de siège aurait eu pour but de centraliser les pouvoirs entre les mains du Premier ministre. Une interprétation que Claude Joseph rejette catégoriquement :
« L’état de siège ne donne pas les pleins pouvoirs à un individu mais aux institutions. Cela ne peut servir de prétexte pour interférer dans la justice », a-t-il martelé.
L’ancien Premier ministre a également dénoncé l’omission, dans l’enquête, d’éléments cruciaux, notamment les révélations d’un ressortissant dominicain sur des fonds supérieurs à 20 millions de dollars qui auraient servi à planifier l’assassinat.
« Ce que je sais, c’est que le président Moïse avait des positions fermes contre certains secteurs dominés par des familles puissantes. Il n’a jamais hésité à rompre des contrats juteux », a-t-il déclaré, affirmant n’avoir « jamais été dans le camp des assassins ».
L’audience a été suspendue à l’issue des débats et la levée du siège a été ordonnée. La cour a annoncé la reprise des auditions pour le vendredi 27 juin. Claude Joseph restera au cœur de ce processus, alors que plusieurs autres personnalités, dont l’ancienne Première dame Martine Moïse, doivent également être entendues.