Un vaste réseau de corruption vient d’être mis au jour au sein de la Direction de l’Immigration et de l’Émigration (DIE) d’Haïti, à l’issue d’une enquête menée par l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC). Le rapport accablant publié ce jeudi 8 mai 2025 révèle qu’entre septembre et décembre 2024, au moins 556 passeports ont été émis sans paiement des droits fiscaux requis, causant un préjudice de 3 656 000 gourdes à l’État haïtien.
L’enquête a débuté après la diffusion sur les réseaux sociaux, début 2025, d’informations faisant état de la création d’un compte frauduleux au sein de la DIE, utilisé pour produire des passeports avec de faux timbres. Alerté par ces révélations, le Directeur Général de l’ULCC, Me Hans Jacques Ludwig Joseph, a mis sur pied une commission d’enquête pour faire toute la lumière sur cette affaire.
Le principal stratagème mis en évidence repose sur la création, le 10 octobre 2024, d’un compte au nom de « Fernando VICTOR », un individu fictif, introuvable dans les bases de données nationales d’identification. Ce compte aurait été créé directement à partir du compte administrateur de Stéphane VINCENT, alors Directeur de la DIE, selon des documents fournis par l’institution elle-même.
Ce faux utilisateur, bénéficiant d’un accès complet au système informatique de la DIE, a pu traiter 736 dossiers de passeport, dont 556 ont été délivrés sans que les droits de timbre ne soient acquittés auprès de la Direction Générale des Impôts (DGI). Les activités illégales ont été facilitées pendant une grève de la DGI, entre le 23 septembre et le 25 novembre 2024.
Les investigations de l’ULCC identifient un réseau de collaborateurs internes, incluant Lesly SAINT JUSTE (responsable de la DIE-Sonapi), Marriantha MERONE et Rubens PAULEON (anciens responsables de la DIE-Pétion-Ville), qui auraient personnellement participé à la validation de nombreux dossiers frauduleux. Ces fonctionnaires sont accusés d’avoir agi de concert avec Stéphane VINCENT pour détourner des fonds publics via la production illégale de passeports.
Interrogé, M. VINCENT a nié toute implication directe, affirmant ne pas connaître le nommé Fernando VICTOR. Pourtant, des preuves techniques confirment que le compte frauduleux a bien été créé à partir de ses identifiants administratifs. Il n’a également jamais signalé un éventuel piratage de son compte, renforçant les soupçons d’une implication directe.
Les enquêteurs soulignent les lourdes conséquences de ces manœuvres : en plus des pertes financières pour le Trésor public, ces irrégularités exposent Haïti à de sérieux risques de sécurité intérieure et ternissent l’image du pays à l’international.
Face à l’ampleur du scandale, l’ULCC recommande :
-Un audit complet, financier et informatique, de la DIE sur la période suspecte.
-L’intégration d’un accès en temps réel au portail de la DGI pour vérifier l’authenticité des droits de timbre.
-Le déclenchement de poursuites pénales contre Stéphane VINCENT, Lesly SAINT JUSTE, Marriantha MERONE et Rubens PAULEON pour abus de fonction, détournement de biens publics et association de malfaiteurs.