Une enquête  de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) révèle un vaste scandale de détournement de fonds publics impliquant l’ancien Protecteur du Citoyen, Renan Hédouville, et plusieurs de ses proches collaborateurs. Selon les conclusions du rapport, pas moins de 16,5 millions de gourdes auraient été indûment perçus au titre de per diem et de billets d’avion pour des missions officielles jamais réalisées entre 2019 et 2024.

L’enquête, déclenchée à la suite d’une plainte formelle de l’Organisation des Citoyens pour une Nouvelle Haïti (OCNH), visait à vérifier la réalité des missions internationales financées par l’État pour le compte de l’Office de la Protection du Citoyen (OPC). Les soupçons ont été confirmés : 10 des 17 voyages programmés sur les exercices 2022-2023 et 2023-2024 n’ont jamais eu lieu, bien que les fonds aient été perçus.

Parmi les principaux bénéficiaires de ces voyages fictifs figurent non seulement M. Hédouville lui-même, mais aussi Régine Hédouville, ancienne Directrice de Cabinet, et Tex Willer Célafoi Louis, Coordonnateur de l’Unité des Technologies de l’Information de l’OPC. Ensemble, ils auraient encaissé des millions de gourdes pour des déplacements à l’étranger jamais effectués. À lui seul, Renan Hédouville aurait reçu plus de 2 millions de gourdes en per diem.

L’enquête de l’ULCC a aussi révélé l’utilisation systématique de l’Agence de Voyage Sans Souci pour l’achat de billets d’avion, en dehors de tout cadre légal. Aucun contrat en bonne et due forme ni appel d’offres n’a été réalisé, comme l’exige pourtant la loi haïtienne sur les marchés publics. Marie France Petoia, directrice de l’agence, a confirmé que les relations avec l’OPC étaient purement informelles, facilitées par des relations amicales de longue date.

Par ailleurs, les enquêteurs ont mis en évidence une série d’opérations bancaires suspectes. Plusieurs chèques ont été tracés sur les comptes personnels des bénéficiaires, notamment ceux de Tex Willer Célafoi Louis et de son épouse. À eux deux, ils auraient perçu plus de 3 millions de gourdes pour des missions imaginaires.

Plus troublant encore, certaines prétendues missions avaient pour objet la participation à des événements religieux n’ayant aucun lien avec les fonctions de l’OPC. Parmi elles, une célébration à New York ou un forum d’église à Atlanta ont servi de prétexte pour justifier des dépenses publiques.

Interrogé à plusieurs reprises, l’ancien Protecteur du Citoyen a refusé de coopérer avec la Commission d’enquête, multipliant les prétextes et allant jusqu’à assigner l’ULCC en justice dans une tentative de suspendre l’enquête.

Malgré une tentative de l’actuel Protecteur du Citoyen, Jean Wilner Morin, de récupérer les fonds via un avis de remboursement, aucun des principaux concernés n’a remboursé les sommes perçues au moment de la rédaction du rapport.

L’ULCC affirme que les éléments réunis constituent des infractions graves, notamment le détournement de biens publics, l’abus de fonction, et la passation illégale de marchés publics, toutes passibles de lourdes peines prévues par la loi du 12 mars 2014 sur la prévention et la répression de la corruption.