Qu’est-ce qui explique le retard de la communauté internationale à envoyer des troupes militaires en Haïti ?

L’attente d’une solution appropriée à la crise haïtienne impatiente le peuple haïtien en premier lieu, victime de l’indifférence des pays dits amis d’Haïti et de l’insouciance d’une communauté internationale divisée sur les mesures d’urgences à adopter en vue de soulager la souffrance de la population livrée à la fureur des gangs armés face à l’inexistence de l’État.

Il faut toutefois retenir que, sous la dictée du Core Group en Haïti, le gouvernement haïtien, réuni en conseil des ministres le jeudi 6 Octobre 2022, a formellement sollicité de la communauté internationale une intervention militaire dans le but apparent de combattre les gangs armés qui traumatisent la population. Plusieurs secteurs de la vie nationale et des acteurs de la diaspora ont élevé la voix contre toute velléité d’intervention militaire quelconque en Haïti. Ils gardent un mauvais souvenir de l’occupation américaine de 1915, de l’intervention militaire américaine de 1994 et des multiples missions militaires onusiennes jusqu’à la plus récente en 2010 ayant causé la propagation du choléra laissant plus de 300,000 personnes infectées dans le pays ; les Nations Unies n’ont jamais accepté de dédommager les familles victimes de ce drame macabre. De l’occupation américaine de 1915 aux multiples missions de maintien de paix onusiennes, le peuple haïtien retient un bilan négatif et catastrophique d’un gout amer comme du fiel tant au niveau social, politique et économique.

A côté du réveil patriotique mené par diverses organisations en Haïti et dans la diaspora, deux grandes raisons majeures expliqueraient le retard de la communauté internationale dans le dossier de l’envoi d’une force militaire en Haïti. La première raison serait d’ordre diplomatique et les aléas se jouent au niveau du Conseil de Sécurité de l’ONU. La deuxième raison serait d’ordre stratégique et les enjeux se déroulent particulièrement en Haïti.

La première raison d’ordre diplomatique renvoie à l’opposition de la Chine et de la Russie qui cherchent à tirer leur part du gâteau, tout simplement. Contrairement à ce que peut penser l’haïtien ordinairement qui prend presque tout au premier degré, la Chine et la Russie ne défendent pas les intérêts d’Haïti en s’opposant au camp des États-Unis d’Amérique ; ce n’est qu’une ingénierie diplomatique pour étendre leur influence géopolitique et économique. Il faut savoir qu’Haïti représente une part importante de l’économie internationale en termes de main d’œuvre et d’investissement, mais aussi en termes de possibilités d’exploitation des ressources naturelles. Cependant, il faut tout aussi bien reconnaitre que le bilan négatif des dernières missions onusiennes supporte valablement les positions Sino-Russes au Conseil de Sécurité.

La deuxième raison d’ordre stratégique est beaucoup plus inquiétante et justifierait la détérioration accélérée de la crise haïtienne. Le commun des mortels sait pertinemment que la communauté internationale, à travers le Core Group particulièrement, contrôle presque tous les aspects de la vie politique, sociale et économique en Haïti. Il suffirait de prendre certaines décisions appropriées pour mettre fin à l’armement aveugle et au ravitaillement malsain des gangs armés, par exemple. C’est l’insécurité qui a donné naissance aux gangs armés et non l’inverse. L’insécurité, c’est d’abord et avant tout l’absence de l’État. D’un autre côté, il faudrait remarquer que depuis un certain temps, diverses approches farfelues annoncent des malheurs prophétiques sur Haïti ; ce n’est autre qu’une préparation psychologique et maléfique d’une catastrophe programmée vers la destruction du peuple haïtien. Ce qui se joue actuellement en Haïti est visiblement un plan d’extermination de l’intérieur. Malgré son ampleur démesurée, on constate que la communauté internationale perd tout son temps dans le dossier de la crise haïtienne. On n’a jamais vu une diplomatie internationale aussi faible et inefficace en Haïti. L’explication à tout cela est que l’état actuel de la situation ne suffirait pas à justifier une intervention militaire de troupes étrangères, il faudrait donc laisser les choses s’empirer davantage. Un tel scenario prévoirait que les troupes militaires étrangères n’interviendront pas en amont mais en aval, après que la situation serait devenue sans issue et que la justification souhaitée serait devenue évidente : soit une guerre civile, soit une catastrophe ‘’naturelle’’ d’une ampleur apocalyptique.

L’attente peut être longue ou brève, mais l’issue ne diffèrera pas sans une solution concertée des forces vives de la nation haïtienne.

Me. Marc Wood Pierre, Av