Tandis que le pays brûle, ses dirigeants s’enferment dans des querelles de pouvoir stériles. Au sein du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), deux clans s’affrontent, non pas pour sortir Haïti de la crise, mais pour contrôler ce qui reste des leviers de l’État. Pendant ce temps, les gangs gagnent du terrain, les citoyens meurent, et l’État demeure spectaculairement absent.
D’un côté, un groupe composé de Louis Gérald Gilles, Smith Augustin, Emmanuel Vertilaire et Laurent Saint-Cyr exige que Fritz Jean quitte la présidence du CPT avant le 7 août, afin de céder sa place à Saint-Cyr, dans le but de procéder à des changements au sein de l’administration publique, notamment parmi plusieurs directeurs généraux.
De l’autre, Fritz Jean, Edgard Leblanc et Leslie Voltaire tentent d’exclure du CPT trois membres du camp opposé (Gilles, Augustin et Vertilaire) en s’appuyant sur un rapport des Nations Unies qui cite leur inculpation dans le scandale de la BNC, suite à un rapport de l’ULCC.
Mais dans ce théâtre de l’absurde, aucune des deux factions ne peut rassembler les cinq voix nécessaires pour faire adopter leur résolution. Résultat : un blocage total. Un CPT incapable de décider, paralysé par ses intérêts internes, pendant que la maison Haïti s’écroule sous le poids de la violence, de la misère et du chaos.
La situation sécuritaire est dramatique : à Lascahobas, dans le département du Centre, des gangs ont récemment attaqué cette ville. Ni condamnation officielle, ni intervention, ni même un mot de compassion de la part des autorités. Le silence est total, révélateur d’un abandon généralisé de la population par ceux qui prétendent la représenter.
Cette paralysie politique au sommet n’est pas anodine. Elle reflète une vérité crue : les membres du CPT ne sont pas au service de la nation, mais uniquement de leur propre survie politique. La transition n’est plus un projet collectif pour reconstruire le pays, mais un prétexte pour conserver l’accès aux maigres ressources de l’État, dans une logique de pillage méthodique.
Chaque jour qui passe, les Haïtiens sont plus nombreux à perdre espoir. Le CPT, censé conduire la nation vers des élections crédibles et une stabilité minimale, est devenu un espace de règlements de comptes personnels. Le peuple, lui, est seul face à la violence, la faim et la peur.
La question n’est plus de savoir si le CPT peut gouverner. La véritable interrogation est la suivante : combien de temps encore le pays survivra-t-il à tant d’indifférence criminelle à la tête de l’État ?