Haïti ne s’est pas effondré en un jour. Ce n’est pas un seul événement, un seul gouvernement ou un seul groupe armé qui a plongé le pays dans l’abîme. C’est une accumulation. Une lente corrosion. Un effritement progressif des valeurs, de la justice, et surtout… du courage collectif.
Et parmi les racines les plus profondes de cette chute, il y a un élément qu’on ose rarement nommer :
le silence des hommes et des femmes haïtiens.
Le Silence Complice
Ce n’est pas seulement le voleur qui détruit un pays, c’est aussi celui qui l’a vu voler et n’a rien dit. Ce n’est pas seulement le politicien corrompu, mais aussi celui qui l’a applaudi, pour un poste, un contrat, ou un sac de riz.
Depuis trop longtemps, le silence est devenu une monnaie d’échange en Haïti. On se tait pour ne pas perdre sa place. On se tait pour ne pas se fâcher avec un oncle, un ami, un pasteur, un chef. On se tait parce que la peur est devenue un mode de vie, et que la vérité est trop lourde à porter.
Mais ce silence, qui se voulait prudence ou loyauté, est devenu complicité.
Une Société Qui a Peur de Se Regarder en Face
Combien d’intellectuels ont vu les dérives venir, mais ont préféré garder leur titre que leur intégrité ?
Combien d’artistes, de journalistes, de leaders communautaires ont choisi de ne rien dénoncer pour rester “acceptés” ?
Combien de pères, de mères, de citoyens ordinaires ont dit : “Ce n’est pas mon problème”, pendant que l’incendie se propageait dans la maison d’à côté ?
Haïti est malade, mais beaucoup de ses enfants ont préféré la fièvre à l’opération.
Le Prix du Silence : Une Nation en Ruines
Aujourd’hui, le pays est pris en otage. Les gangs règnent. L’insécurité est la norme. L’éducation est en chute libre. Les hôpitaux ferment. Les jeunes fuient. Le peuple souffre.
Mais le plus grave ? C’est que ce silence continue. On parle en privé, mais on se tait en public. On se révolte dans les salons, mais on se couche dans les rues. On prie pour un miracle, mais on refuse de lever la voix contre le mal.
Haïti ne pourra pas guérir si ses enfants n’ouvrent pas la bouche.
Briser le Mur du Silence
Ce n’est pas trop tard. Le pays n’a pas encore dit son dernier mot. Mais pour qu’il renaisse, il faut que les consciences s’éveillent.
Il faut que les enseignants parlent.
Que les artistes dénoncent.
Que les juges refusent de plier.
Que les citoyens cessent de voter pour des criminels par intérêt personnel.
Que les familles arrêtent de protéger le voleur “parce que c’est le cousin”.
Que la diaspora arrête d’idéaliser ou de financer des systèmes corrompus.
Haïti n’a pas besoin de héros silencieux. Elle a besoin de voix courageuses, de gestes responsables, de vérités libératrices.
Le Silence Est Une Trahison
Se taire face à l’injustice, c’est devenir complice.
Se taire pour ne pas déranger, c’est trahir l’avenir de ses enfants.
Se taire pour rester “bien vu”, c’est cautionner la destruction.
Le vrai amour pour Haïti commence par le courage de dire non, même quand cela coûte.
Et tant que ce silence ne sera pas brisé, Haïti restera enfermée dans la prison que ses enfants eux-mêmes ont construite avec leurs silences.
Samuel Georges