Alors que l’insécurité règne en maître en Haïti, contraignant des milliers d’habitants à fuir leurs foyers dans des quartiers comme Nazon, Solino, Delmas 24 et Delmas 30, une réalité troublante se dessine : la sécurité, denrée rare pour la population, est prodiguée en abondance aux élites politiques.
Les neuf conseillers présidentiels bénéficient chacun de 25 agents de sécurité, composés de policiers et de militaires des Forces Armées d’Haïti (FAD’H). En tout, ce sont 225 agents mobilisés pour la seule sécurité de ces conseillers. Pendant ce temps, dans de nombreuses villes de province, les commissariats peinent à assurer leur mission. Avec seulement deux policiers pour protéger des populations dépassant 40 000 habitants, les forces de l’ordre sont largement dépassées et incapables de répondre aux besoins de sécurité les plus élémentaires.
À Port-au-Prince, la situation est tout aussi alarmante. Des centaines de policiers sont affectés 24 heures sur 24 à la villa d’accueil et à la résidence officielle du Premier ministre, pour protéger ces bâtiments, vides ou occupés. L’ampleur des effectifs dédiés à la sécurité personnelle du Premier ministre et des ministres reste encore floue, mais les chiffres promettent d’être tout aussi exorbitants.
Cette allocation inégale des forces de l’ordre illustre un dysfonctionnement profond. Tandis que les hauts fonctionnaires de l’État – conseillers présidentiels, ministres, directeurs généraux, chefs de cabinet et délégués départementaux – jouissent d’une protection rapprochée jour et nuit, le peuple haïtien, lui, est laissé à la merci des gangs. Ces derniers ne rencontrent aucune résistance et multiplient les exactions, provoquant des déplacements massifs de populations et une insécurité généralisée.
Dans les quartiers populaires, les habitants n’ont aucun soutien de l’État. Chassés de leurs maisons par des criminels lourdement armés, ils se retrouvent sans refuge, sans espoir, et sans recours.
Ce paradoxe est d’autant plus scandaleux que la mission première de la Police nationale d’Haïti (PNH) est de protéger et de servir toute la population. Or, une grande partie des forces de l’ordre est détournée pour assurer le confort d’une poignée d’officiels. Cette situation laisse planer une question cruciale : le gouvernement haïtien a-t-il encore un intérêt pour son peuple, ou s’est-il retranché dans une bulle de sécurité au mépris de ceux qu’il est censé représenter ?
Face à cette tragédie, ni le gouvernement haïtien ni la communauté internationale ne semblent vouloir intervenir pour rétablir l’ordre et sauver le pays. Les institutions locales sont paralysées, et les initiatives internationales, lorsqu’elles existent, peinent à répondre aux besoins urgents de la population.