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La précarité des femmes victimes de violences conjugales

Le premier coup ou la première gifle que l’on reçoit de son partenaire, petit ami, compagnon, mari soulève en général trois sentiments. La peur;  peur de l’immédiate suite, combien d’autres coups va-t-il y avoir dans l’immédiat ? La peur grandissante, provoquée par l’ignorance du nombre de fois qu’il compte frapper  à l’avenir, la peur de l’intensité de sa colère, la peur de la force qu’il emploiera à chaque fois et  à chaque coup.

La peur est suivi de la honte ; Aucune femme n’y a peut-être jamais fait attention mais la première chose qu’on fait après avoir été frappé est de baisser la tête  pour se dire « ah je viens d’entrer dans le lot des femmes battues » se baisser la tête pour se dire que mon honneur vient d’être souillé,  ma personnalité vient d’être piétinée. C’est cette honte qui, parfois, chez certaines femmes,  se transforme en colère et les pousse à riposter. Honte de ce que va penser les autres si cela se sache, honte de voir que quelqu’un qu’on aime a pu nous rabaisser à ce niveau.

Le dernier sentiment et non le moindre est la culpabilité ; Même en étant la victime on cherche le pourquoi ? Et le comment de ce qui s’est passé,  en se demandant et si je m’étais pris autrement cela aurait-il dégénéré de la sorte ? N’est-ce-pas moi qui l’ai poussé  à bout ?  On se pose des tas de questions qui visent à trouver une raison, cette dernière, une fois soi-disant trouver, nous pousse  à nous remettre en question mais aussi à trouver une explication au comportement de l’autre et souvent on prend sur nous la responsabilité de ce qui s’est produit.

Après le premier coup, on commet souvent l’erreur de se dire que c’était la dernière fois, la dernière fois de se laisser faire, dernière fois de lui laisser recommencer. Mais de son coté, aussi il fait tout pour qu’on se le dise, mais il est souvent évident que c’est le début du décompte et à un certain moment à force d’être battu on arrête de compter.

A ce stade il arrive qu’on se tourne vers la famille, ou vers l’Eglise, ou vers l’Etat  quand on ose en parler. Pourtant, J’ai vu des églises sanctionner pour la fornication, pour  l’adultère mais je n’ai jamais encore vu une église punir un mari pour avoir tabassé sa femme. Et  quand cela se sache, il y a un huit clos qui vise  surtout à  porter la femme à pardonner son mari et de continuer sans haine, sans rancune et surtout à la rappeler qu’elle a le devoir d’être soumise.

Je n’ai jamais encore vu un poste prestigieux être refusé à un homme parce qu’il avait tabassé sa femme même quand il y a eu scandale autour de la question.

 Je n’ai encore jamais vu une mère tourner dos à son fils parce qu’il  a tabassé sa femme, ou une famille prendre ses distances avec l’un de ses membres pour son comportement agressif envers sa femme.

Famille, Eglise, Etat, ne sont-ils pas les piliers de toutes sociétés ? Pourquoi il y va-t-il donc cette tolérance vis-à-vis de la violence faite sur les femmes dans notre société?

Il est vrai que nous avons un passé d’esclave ce qui est surtout le fondement de l’un de nos fameux dictons « Timoun pa leve san baton » il est pourtant évident que d’autres sociétés élèvent très bien leurs progénitures sans notre fameux « baton », il y a aussi « timoun se ti bèt » ou mieux encore « timoun pa gen volonte »

Vous devez être en train de froncer les sourcils en vous demandant ce que enfant vient faire dans cette histoire de violence sur les femmes ?

Que se soit en 1805 (première constitution d’Haïti) ou en 1944 (décret du 11 janvier 1944 qui donne à la femme une certaine petite liberté de décider de son revenu), ce n’est qu’en 1982 qu’elle a cessé d’être mineure, plus précisément, le 8 octobre 1982, par décret. Ce dit décret lui a accordé le droit de faire des transactions, de porter plaintes, sans l’autorisation de son mari. Il a replacé l’autorité maritale par l’autorité parentale.  En français facile, un mineur est un enfant qui n’a pas encore l’âge de décider. Aujourd’hui on est en 2020, soit 38 ans depuis qu’on est supposé être plus considérée comme enfant. De 1805 à 1982 que représentent 38 ans d’une lutte boitillée  pour changer cette mentalité, cette habitude, de bastonner son enfant-femme.

Cet héritage enfant –femme nous aide à comprendre pourquoi cette forme de violence reste impunie, et est même acceptable dans la société malgré ce qu’on veut faire croire. Elle fait partie de notre identité, de notre vécu. Qui n’a jamais eu envie de frapper son enfant quitte à avoir des regrets après ? Qui n’a jamais eu envie de punir son enfant pour qu’il reste, sur ce qu’est pour lui, le droit chemin ? Qui permet à son enfant d’élever le ton, ou de désobéir sans risques de représailles ?

C’est contre cette habitude d’enfant-femme qu’il faut lutter. C’est de cette mentalité qu’il faut se défaire. Mais pas que contre elle, car il faut aussi toucher et comprendre pourquoi l’église de son côté est aussi passive face à cette violence et pourquoi il n’y a pas assez d’empathie parmi les femmes pour lutter collectivement contre ce grave problème?

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