Le 23 Octobre 2020, le Président de la République, Son Excellence Jovenel Moise s’est encore adressé à la nation sur la conjoncture nationale. Que nous augure cet énième discours du Président ? D’une part, Jovenel Moise s’est montré plus rassurant dans sa posture et plus confiant dans son discours. Dans un langage simple et clair, il a su délivrer le message du moment appelant à un compromis de tous les secteurs de la vie nationale et informant des pourparlers « secrets » avec la classe politique sans révéler l’identité des acteurs. D’autre part, croyant le momentum politique favorable, Jovenel Moise a annoncé unilatéralement le projet d’élaboration et d’adoption d’une nouvelle Constitution comme condition préalable et nécessaire à la tenue des nouvelles élections dans le pays ; donnant au passage la « garantie » qu’il ne sera pas candidat à sa propre succession.
Quelle est donc la visée réelle qui se profile à travers la démarche du Président ? Pour bien comprendre la trame qui se joue actuellement, il faudrait se rappeler que la communauté internationale, par le biais des ambassades étrangères en Haïti et le Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), fait pression sur les acteurs politiques haïtiens, tant du côté du pouvoir en place que du côté de l’opposition, afin de parvenir à un compromis politique en vue de la tenue des prochaines élections. Et, depuis un certain temps, les discours et interventions publiques de Jovenel Moise ne font que reprendre presque littéralement les prises de positions publiques des officiels de la communauté internationale. Dans un discours adressé par devant le Conseil de Sécurité de l’ONU le 5 Octobre 2020, la Représentante Spéciale en Haïti du Secrétaire Général de l’ONU, Mme Helen La Lime, a fait état de « la nécessité d’entreprendre une réforme constitutionnelle pour mieux refléter les réalités haïtiennes actuelles et remédier aux principales lacunes de la Constitution de 1987 avant la tenue de nouvelles élections. » Lors de cette même intervention, Mme La Lime avait annoncé des pourparlers entre le pouvoir en place et les membres de l’opposition sans préciser le contenu de ces discussions. Cependant, la question d’un nouveau gouvernement a été soulevé comme préalable à toute participation électorale des membres de l’opposition : « de nombreux acteurs politiques considèrent la formation d’un consensus politique et la mise en place d’un nouveau gouvernement d’unité nationale comme essentielles à un environnement propice aux élections participatives. », lit-on dans le discours de Mme La Lime.
Le plan est donc bien ficelé par le pouvoir en place et les membres de l’opposition politique avec la complicité de la communauté internationale. Il ne reste alors qu’à passer de la parole aux actes. Il faudrait donc s’attendre à une temporisation des activités de revendications populaires contre le pouvoir par les membres de l’opposition. Il faudrait également se préparer à un changement de paradigme dans le discours des membres de l’opposition politique vis-à-vis du pouvoir en place.
L’adresse à la nation de Jovenel Moise, reprenant presque mot à mot les propos et le contenu du discours de Mme La Lime, n’a, en ce sens, rien de particulier. Cependant, elle marquera une étape importante dans la tournure du contexte politique qui va suivre. Car, pour parvenir à l’élaboration et l’adoption d’une nouvelle Constitution ainsi qu’à la tenue de nouvelles élections, il faudrait d’abord passer par la normalisation de la vie politique haïtienne. Attendons voir comment le pouvoir en place, l’opposition politique et la communauté internationale vont assurer cette transition d’une atmosphère politique délétère vers un climat politique serein.
Quel sera donc le discours des membres de l’opposition politique vis-à-vis de la population haïtienne qui paie encore les conséquences de l’instabilité politique de ces trois dernières années ?