l’Intellectuel haïtien face à ses responsabilités

“Un intellectuel assis va moins loin qu’un con qui marche”, disait Michel Audiard.
Parmi nos intellectuels, combien sont-ils ceux qui cessent de s’immobiliser?
Combien sont-ils ceux sur qui l’on peut compter pour sortir Haïti de ce marasme sociopolitique et économique?

Dans une société, quand il n’y a plus d’obstacles à la pensée obscure et à l’idiotie, les médiocres règnent en maîtres. Et, on peut même arriver à un état de fait où l’impensable occupe les quotidiens. Voilà où l’on est aujourd’hui. Haïti république bananière, terroir où le président s’autoproclame chef après Dieu et s’en comporte de fait; terre où le ministre de la justice ne peut même pas se souvenir des abécédaires du droit, juridiction où le premier des avocats est assassiné sans poursuite aucune.

A qui la faute? À ce peuple analphabète? À la génération de 2000? Aux victimes sociales des ghettos appelés gangs?
Je dirais plutôt à la classe intellectuelle en majeure partie.
Il y a plus d’un siècle Haïti pouvait s’enorgueillir de ses valeureux hommes à méninges. Entre les années 1860 et 90, il y a eu un vaste mouvement de production intellectuelle où de belles têtes se sont dévouées à la cause populaire et aux affaires publiques. Cela a été l’apogée de la masse critique, laquelle a engendré deux grands courants idéologiques à travers les partis politiques dont le parti national et le parti libéral. A cette époque, à ce que nous a appris l’histoire, c’était une véritable confrontation d’idées et de pensées, ce, en toute convivialité. C’était loin de ce que nous vivons aujourd’hui où des cons déguisés en intellectuels se font honorer en super-star.

C’était le moment d’Edmond Paul dans ses propositions de réformes de l’État à travers son oeuvre intitulée “Les causes de nos malheurs”. C’était aussi le temps d’Antenor Firmin dans sa défense de la dignité raciale et de l’intégrité territoriale; le temps de Louis Joseph Janvier dans sa promotion de la fierté nationale. A ce moment-là, la production de la pensée scientifique et politique coulait à flot.

Mais aujourd’hui, notre chère Haïti est en période de basses eaux idéologiques où nos intellectuels n’arrivent même endosser l’appel qui a été fait par Jean Price-Mars dans “la vocation de l’élite”. Ils ne parviennent surtout pas à ordonner le halte-là à l’obscurantisme, voire bannir la médiocrité.

On est à l’heure actuelle en pleine sécheresse de la pensée intellectuelle et politique, autrement dit, un manquement qui nous engouffre dans le fatalisme de dirigeants parachutés puisque la nature a horreur du vide. Voilà pourquoi on se noie encore dans l’univers de l’incertitude quant à qui peut diriger le pays ou pas à chaque élection présidentielle et législative.

L’intellectuel haïtien semble se conforter dans les couloirs des pouvoirs comme étant tantôt conseillers, consultants, ou autres. Par conséquent, il est muselé en défendant les miettes, plutôt que de jouer son role d’influenceur idéologique ou tout au plus jusqu’à viser la prise du pouvoir.

Nous ne pouvons plus rester apathique et voir périr notre pays. Chaque année des milliers de jeunes cadres laissent Haïti et mettent le cap vers des horizons d’espoir. Ils ont faim d’une bouffée d’avenir et soif de voir profiler un pays où les valeurs sont priorisées.

Ce texte se révèle un appel catalytique à l’âme éclairée haïtienne pourqu’enfin il y ait une prise de conscience.

Il faut une solidarité entre l’élite intellectuelle et le bas-peuple, façonnée par la globalisation et la révolution technologique. La classe intellectuelle est trop inactive. Cependant, la classe économique, n’en déplaisent à certains de ses éléments de bonne foi, défend in extremis ses intérêts en faisant la main mise sur les maigres ressources de l’Etat par l’entremise des politiciens verreux. La communauté internationale s’organise en Syndicat pour pouvoir défendre ses intérêts en Haïti. Mais, pour ce qui a rapport à la classe intellectuelle du pays que peut-on en retenir? y-a-t-il de production de pensées nouvelles en vue d’influencer positivement notre état des choses?

Dans une république en crise constante, il n’y pas de place pour des défenseurs de politique de bas-ventre mais plutôt des hommes à pensées, s’attachant jalousement à leur conviction.