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L’année judiciaire débute sur fond de crise

Une nouvelle année judiciaire commence le lundi 5 octobre 2020, conformément à l’article 75 du décret du 22 août 1995. Mais les maux qui ont paralysé la chaîne pénale durant toute l’année 2019-2020 sont encore latents. Hormis le coronavirus.

Ce jeudi marque le troisième jour depuis l’ouverture de l’année judiciaire 2020-2021, qui doit prendre fin le dernier vendredi du mois de juillet de l’année prochaine. Si l’on se tient au bilan des activités réalisées par l’ensemble des juridictions, l’année judiciaire précédente laisse à désirer. Ce ne sont pas les acteurs qui diront le contraire : « Au niveau de l’Association professionnelle des magistrats (APM), nous estimons, précise Wando Saint-Villier, que le bilan de l’année judiciaire 2019-020 est très maigre, voire catastrophique. Nous pouvons même dire que c’est une année judiciaire perdue. »

L’année 2019-2020 était marquée par un ensemble d’événements ayant de très graves conséquences sur le fonctionnement des cours et des tribunaux. Au premier trimestre on compte les effervescences politiques, «peyi lòk», ayant entrainé une paralysie totale des tribunaux. Les activités judiciaires ont été reprises au cours du mois de janvier 2020. Mais l’état d’urgence sanitaire lié à la pandémie de la Covid-19, déclaré le 19 mars de l’année en cours, allait entraîner à son tour un ralentissement des activités. C’est sans compter sur les bouleversements enregistrés bien avant le carnaval en février.

De plus, le 1er juin 2020, les juges de paix sont rentrés en grève. Une semaine après, les autres associations de magistrats (ANAMAH, RENAMAH, APM) ont décrété une grève générale au niveau de la magistrature durant un mois. Elles ont sursis à cette grève le 2 juillet 2020 après des promesses du ministère de la Justice et des efforts du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire. Mais aucunes assises criminelles n’ont pu être réalisées car les greffiers sont rentrés en grève le 28 juillet.

Même les instructions ont été paralysées. N’en parlons pas des problèmes de fonctionnement liés aux infrastructures et à la sécurité, notamment à Port-au-Prince.

Le piètre rendement peut s’expliquer aussi par le faible nombre de magistrats affectés aux cours et tribunaux. D’ailleurs, la grève des juges visait aussi à exiger le renouvellement du mandat de leurs pairs. L’article 15 de la loi sur le statut de la magistrature et la coutume font de l’exécutif un acteur incontournable.

« Nous allons débuter l’année judiciaire 2020-2021 avec les mêmes problèmes. Les greffiers sont toujours en grève et les mandats des juges ne sont pas renouvelés, contrairement aux promesses de l’exécutif », regrette le magistrat Wando Saint-Villier. Les mauvais traitements ne sont pas résolus. Le doyen du tribunal de première instance de Jacmel a fait remarquer la pénurie du matériel de travail et l’absence de support technique et scientifique de travail au niveau du secteur.

« On peut regarder dans le budget du 1er octobre, c’est seulement 1.8% du montant qui a été alloué au secteur judiciaire. Cela traduit clairement que la justice n’est pas la priorité du gouvernement même quand celui-ci affirme sa volonté en faveur de l’État de droit », critique le magistrat, président de l’ANAMAH.

Le juge d’instruction Ikenson Edumé, président du Réseau national des magistrats haïtiens (RENANAH), se montre aussi perplexe. D’abord, le pouvoir central n’a pas honoré ses promesses. On n’accorde pas au CSPJ 5% du budget de cet exercice fiscal en cours ; le fonds d’investissement n’est pas transféré au Conseil et les mandats des juges ne sont toujours pas renouvelés. « Nous avions bénéficié des largesses de l’exécutif : la carte de débit a été augmentée de 50% et des allocations de carburant nous ont été octroyées », reconnait en outre reconnu le magistrat.

C’était les promesses de l’exécutif qui avait motivé la trêve des juges en début de juillet. « Nous avons observé une trêve dans l’espoir que le budget 2020-2021 répondrait à nos obligations. Si l’ensemble de ce qu’on nous avait promis ne sont pas satisfaits, nous pouvons toujours retourner avec le mot d’ordre pour que l’exécutif prenne ses responsabilités ». Telles étaient les conditions posées, rappelle le juge Ikenson Edumé.

Toutefois son collègue Wando Saint-Villier se montre évasif quant à la possibilité d’une nouvelle grève au tout début de l’année. Même s’ils sont unanimes à reconnaître que l’année judiciaire 2020-2021 commence « sur fond de crise», les magistrats formulent des vœux en faveur du bon fonctionnement de la justice pénale et civile cette année.

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