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CE QUE PASCAL ADRIEN N’A PAS DIT DANS SA LETTRE AU DÉFUNT PRÉSIDENT JOVENEL MOÏSE

J’ai toujours écouté avec intérêt et admiration les interventions publiques de M Pascal Adrien sur des questions relatives à la gestion des affaires chez nous. Très bon dialecticien, orateur, il force l’admiration.

Cependant sa lettre adressée au défunt Président Jovenel Moïse dans le journal en ligne « Le tout pluriel » a laissé le public sur sa faim. C’est la raison pour laquelle je tiens à faire quelques remarques à l’adresse de ceux qui n’ont pas compris l’origine de cette terrible crise dans laquelle le pays se débat.

La vie de Jovenel Moïse avait été fauchée pendant l’exercice d’un pouvoir confisqué, son mandat étant arrivé à expiration le 7 février 2021, selon les dispositions de l’article 134-2 de la Constitution de 1987, clauses qu’il avait malheureusement ignorées.

Cette violation n’a rien d’étonnant, car si on observe notre histoire constitutionnelle, peu de chefs d’État savent comment gérer leur fin de règne. Compte tenu que le mandat constitutionnel du Président avait pris fin le 7 février 2021, les rapports qu’il entretenait avec les citoyens étaient fondés sur l’arbitraire et non sur la légitimité démocratique. Ce qui explique d’ailleurs le fait qu’il ait tenté d’imposer ses actions par la force en utilisant la toute-puissance de l’État. Son mode de gouvernance n’obéissait aux principes démocratiques. Vers la fin de son quinquennat, il avait dirigé tout seul, vu que les équipes gouvernementales qu’il avait mises en place n’étaient soumises à aucun contrôle parlementaire. Comme le pouvoir de l’ancien Chef de l’État ne revêtait aucun caractère démocratique, on pensait que jusqu’au juillet 2022, il exerçait un mandat présidentiel devenu alors sans fin.

S’étant accaparé du pouvoir législatif, son administration était allée jusqu’à octroyer décharge aux anciens responsables de l’État. Une telle responsabilité, on le sait bien, est dévolue à la commission parlementaire bicamérale, seule chargée d’établir un rapport sur la gestion des membres du gouvernement aux termes des dispositions de l’article 233 de la Constitution. Il n’est pas prévu qu’en matière de gouvernance que le pouvoir exécutif puisse s’auto-contrôler ou s’auto-évaluer.

De quel droit le Président de la République s’était-il attribué un tel pouvoir? L’article 150 de la Constitution précise que le Président de la République n’a d’autres attributions que celles que lui attribue la Constitution.

Le Président Moïse et ses conseillers ne pouvaient donner aucune justification juridique ou politique de cette violation flagrante des dispositions de la norme fondamentale puisque le rôle du Chef de l’État est de prendre toutes les dispositions pour que l’ensemble des lois soit exécutée, à commencer par la Loi fondamentale.

En réalité, la Constitution a été mise tout simplement de côté. Les droits de l’homme, fondement de la démocratie, n’étaient pas respectés. L’État de droit a été mis en déroute par le dysfonctionnement de la justice et du parlement et la domestication de la Police nationale. Bref, dans sa manière de gérer l’État, le Président avait montré tous les signes d’un pouvoir autoritaire. On a assisté à un glissement vers un régime dictatorial. Il n’est pas exagéré de parler de dictature dans la mesure où celle-ci est définie comme l’absence de démocratie.

Une pensée magique
Si, une année après la mort brutale de Jovenel Moïse, Pascal Adrien a jugé bon de lui adresser une correspondance, c’est que, comme beaucoup de jovenelistes et acteurs politiques majeurs, il croit que le mandat du Chef de l’État va au-delà de son décès. Certains de ses opposants, après qu’il n’était plus disponible, avaient souligné que son mandat prenait fin le 7 février 2022 alors qu’auparavant, ils avaient défendu la position contraire. Ce qui explique que son portrait officiel ait été affiché dans tous les bureaux de l’administration publique jusqu’à cette date. La question de la sincérité du discours politique des acteurs et de leur autonomie est sujet à caution.

Je me rappelle que dans une note rendue publique par le Sénat de facto, Joseph Lambert avait souligné que le Premier ministre Ariel Henry n’avait pour seule responsabilité que de liquider les affaires courantes, compte tenu que, selon lui, le mandat de Jovenel Moïse avait pris fin le février 2022, sept mois après sa mort.

Une lecture constitutionnelle totalement erronée de la réalité, partagée par plus d’un, intérêt politique immédiat oblige! Cette manière de voir les choses témoigne de la persistance de la pensée magique à laquelle adhèrent beaucoup d’Haïtiens. Quand on veut anéantir l’adversaire chez nous, on peut utiliser même l’irrationnel pour en venir à bout. Du coup, on ne s’étonne pas de la volonté de Madame Martine Moïse de continuer le mandat de son mari décédé. Les plus raisonnables – il en existe quand même quelques-uns dans notre société – se demandent non sans raison si le pouvoir en Haïti fait partie de la communauté légale.

Rappelons toutefois que le mandat est basé sur la confiance entre le mandataire et le mandant. La démocratie a été justement inventée pour que les gouvernants puissent être choisis par les gouvernés sur la base de la confiance ou des intérêts partagés. Cette confiance, résultant de la proximité entre le gouvernant et le gouverné, n’est donc pas transférable en démocratie.

Malgré les progrès de la science et les nouvelles technologies, fruit de l’évolution de l’esprit humain, les Haïtiens restent attachés à la pensée théologico-magique. Ce qui explique que tout ce qui mérite une explication scientifique est analysé, chez nous, du point de vue mystique. C’est le cas de dire que nos connaissances des faits et de la réalité ne dépassent pas le stade fictif ou chimérique. C’est précisément ce qu’explique le positiviste Auguste Compte dans sa théorie de la « loi des trois états ».

Ce manque – pour certains absence – de connaissance scientifique et l’ignorance à laquelle est frappée la majorité de nos compatriotes maintiennent la société haïtienne dans un état de puérilité. Or, la gestion de la République requiert la maturité et la connaissance scientifique indispensable pour réaliser le progrès. Quelqu’un qui, aux termes de l’article 136 de la Constitution, aspire à être le premier d’entre nous, c’est-à-dire à s’ériger en arbitre neutre des conflits de la société en tant que premier responsable de la nation, doit être doté de valeurs morales, intellectuelles et politiques pour exercer cette autorité suprême.

L’assassinat de Jovenel Moïse n’est pas un fait magique. La destruction de l’État d’Haïti, notre bien souverain, avait certainement rendu possible le coup d’État du 7 juillet 2021. C’est ce qui explique que la Constitution, le consensus que nous avons établi ensemble, dont le Chef de l’État avait la lourde responsabilité de préserver, n’a pu être respecté et c’est très grave. Ceci montre l’urgente nécessité de convaincre nos gouvernants actuels et futurs que leur tache essentielle est de faire exécuter la Constitution, les lois de la république et de s’assurer que les pouvoirs de l’État fonctionnent et se renouvellent à intervalles réguliers. Et ce consensus ne doit à aucun moment être rompu sous peine d’anarchie.

Sous la présidence de Jovenel Moïse, les institutions n’ont pas été renouvelées. Une situation restée inchangée une année après sa mort. Le plus grave en tout cas, c’est qu’il n’y a actuellement aucune disposition pour les renouveler. Pendant ce temps, la bataille pour la prise du pouvoir en dehors des normes fait rage au sein des oligarchies politiques.

Un héritage catastrophique
L’héritage de Jovenel Moïse est lourd. Seuls les imposteurs peuvent capitaliser sur une telle succession. Les politiciens haïtiens ne comprennent toujours pas que faire fonctionner des institutions républicaines et démocratiques est la meilleure chose. Peut-on imaginer la Ville de Montréal sans maire pendant une semaine? Or, l’Haïti que Jovenel nous a laissé n’a pas de président, ni de parlement, ni de Cour de cassation, ni de maires et ni Casecs élus. L’ampleur de la catastrophe institutionnelle, sociale et économique est grande. C’est la déchéance! La première République nègre indépendante du monde, à cause de cette descendance totale, due à l’incapacité de nos gouvernants d’hier et aujourd’hui, devient un territoire transnational géré par le Conseil de sécurité de l’ONU. Les Haïtiens ont finalement perdu le droit de parler d’Haïti. Beaucoup de citoyens dans le monde aimeraient appartenir à cette grande histoire universelle mais les fils déchus et dégénérés de la patrie ne veulent pas la poursuivre et préfèrent transformer leur pays en un exemple de honte et d’indignité. C’est terrible !

On réclame justice pour Jovenel. Une demande tout à fait légitime certes mais comment organiser un procès dans une situation où la justice n’existe pas ? Où le siège du pouvoir judiciaire est occupé par les bandits de Village de Dieu qui avaient assassiné cinq policiers sous l’ère Moïse?

Pour faire justice, il faut trouver la vérité sur les faits. Or, celle-ci n’émerge pas du néant ou du chaos mais à travers une procédure judiciaire offrant toutes les garanties nécessaires en vue d’un procès juste et équitable. De prime abord, il faut que les institutions existent et qu’elles fonctionnent à plein rendement.

Force est de reconnaître qu’après l’assassinat du Président en juillet 2021, tout était disloqué et il était impossible de désigner son successeur de manière constitutionnelle. La raison est simple : avant cette exécution crapuleuse, la république était déjà par terre. La démocratie est une construction lente et importante. Dans ce contexte de mort de l’État décidée par son administration, Jovenel Moïse était victime d’un manque de protection. Après cet événement douloureux, il est impensable que les membres de son gouvernement ne ressentent le poids de la responsabilité dans ce qui s’était passé cette nuit-là. L’impuissance des personnes liées à son gouvernement d’assurer sa sécurité avait rendu possible cet acte crapuleux. Cette responsabilité ne saurait être transférée à d’autres.

Quelques heures seulement après la tragédie, un Premier ministre intérimaire avait déclaré à la nation que tout était sous contrôle et qu’il assurait le pouvoir jusqu’aux prochaines élections. De surcroît, le pays disposait aussi d’un Chef de police, de trois ministres (celui de la Justice, de l’Intérieur et de la Défense nationale). De par leur position, ils auraient dû savoir qu’il y avait un plan macabre visant à abattre le Chef de l’État. Ils n’ont pas le droit de prétexter l’ignorance devant la nation. Ces autorités avaient la charge d’assurer la sécurité du pays et celle du Président de la République. Pourtant, elles ne reconnaissent pas leur échec et pointent plutôt du doigt le Premier ministre Ariel Henry et d’autres secteurs dans le complot visant à exécuter le Président Moïse. L’enquête relative à ce meurtre est biaisée au départ. Par cynisme politique, il est certain que cet acte infâme devienne un élément de mobilisation politique dans la prochaine bataille pour la prise du pouvoir, comme Pascal Adrien l’avait annoncé récemment sur les ondes de la « Radio Vision 2000 ».

On avance dans l’opinion que la disparition de Jovenel Moïse participe d’un projet de reconquête du pouvoir. En quoi cette élimination physique serait-elle plus utile pour atteindre cet objectif que si le président était resté en vie ? En quoi cette mort serait-elle liée à une stratégie de reconquête du pouvoir ?

Une drôle et cynique guerre électorale sur fond de manipulation politique s’annonce dans le but, comme toujours, de fausser l’opinion publique. Car l’analyse qui se fait sur l’administration Moïse ne repose pas sur une cadre théorique pouvant permettre de placer les données et une structure critique de leur traitement. Il s’agit avant tout, de la part de ces personnes, de développer une stratégie pour tromper tout le monde afin d’obéir à la logique liés à des intérêts politiques immédiats. Il est aussi question ici d’extorquer dès le départ par la violence de la manipulation politique, la capacité des électeurs potentiels à porter un jugement rétrospectif sur les faits et les actions de l’administration Moïse. Donc, les jovenelistes veulent faire obstacle à la sanction rétrospective. Car l’électorat se prononcera non seulement sur les programmes proposés par les candidats mais aussi sur les actions des gouvernants passés.

Quand un groupe au pouvoir pendant un certain temps n’a pas de bilan de satisfaction à présenter aux citoyens, il lui faut trouver un bouc-émissaire. Dans le cas de Jovenel Moïse, c’étaient les oligarques corrompus qu’il a pointés du doigt. C’est vrai aussi que ces derniers ont instrumentalisé le Président de façon perverse mais cela ne doit pas dédouaner l’ancien dirigeant.

Il n’est pas un modèle
Jovenel Moïse était-il sur la bonne voie ? La réponse est non. On était en plein dans une catastrophe institutionnelle. Son passage au pouvoir était celui du règne de la terreur. Avait-il des idées ou la bonne volonté de changer les choses au profit des masses rurales et urbaines ? Je n’y crois pas non plus. En matière de gouvernance et de gestion de l’État, les idées doivent être transformées en politiques publiques et celles-ci mises en œuvre pour le bien de la communauté. Comment avait-il abordé le salaire minimum ? Quelles politiques sociales avait-il décidées et exécutées en faveur de la jeunesse, des plus pauvres, de la paysannerie ? Quels en sont les indicateurs? Comment mesurer scientifiquement la bonne volonté d’un président?

« Ti rès la pou pèp la ». Il savait de quoi il parlait en tant que grand dispensateur des privilèges que procure l’État. Le Président Moïse, quoique naturellement intelligent, n’avait ni la culture politique ni la connaissance exigée pour poser la question sociale haïtienne en profondeur et les rapports sociaux de production. Tout n’était que démagogie pour cacher son incapacité à résoudre les fondamentaux du pays pour lesquels il avait pris les engagements devant les citoyens.

C’est pourquoi que la décision de l’actuel gouvernement d’initier un jour férié dédié à la mémoire de Jovenel Moïse, est un acte politique controversé qui ne survivra pas dans l’histoire. Sur le plan humain, c’est compréhensif vu la brutalité de sa mort mais très discutable quand on sait que, sous son administration, le président défunt avait fermé les yeux ni exprimé d’indignation sur les atrocités commises par les groupes armés contre les citoyens ; drames que les organisations des droits lui en ont imputé la responsabilité.

Par ailleurs, beaucoup de citoyens voient dans cette décision un signe de non respect à l’intelligence de la nation. En se basant sur les actions de son administration, Jovenel Moïse ne mérite pas d’être érigé en modèle. Notre République est à terre à cause de sa mauvaise gestion de l’État. Personne ne peut occulter ni gommer cette réalité. Son passage à la tête de l’État est une honte et une humiliation pour nous tous, diplômés ou non. Et aussi pour la paysannerie à l’égard de laquelle on nourrit tous les préjugés. Or paysannerie haïtienne n’est pas synonyme de médiocrité. Cette classe sociale, c’est le pays réel, faisait remarquer le docteur Louis-Joseph Janvier. Potentiellement, elle recèle beauté, qualité et excellence quand il y aura une politique qui prendrait en compte son présent et son avenir.

C’est ce leader qu’Haïti cherche. Une nouvelle génération de politiciens patriotes, qui prennent en compte toutes les composantes de la nation. Des hommes et femmes compétents et astreints à l’obligation de résultats. Tout en souhaitant le nouveau modernisateur, on ne doit pas camoufler ou faire la promotion de l’ancien devenu désuet.

Dans ce sens, en tant que semence de l’espoir, j’exhorte Pascale Adrien à ne pas perdre son temps et à ne pas gaspiller son énergie dans la promotion des modèles d’échec et des discours démagogiques qui vont ouvrir davantage les plaies au lieu de les guérir. Les oligarques que Pascal Adrien identifie comme un groupe contrôlant la politique et l’économie, ne tombent pas du ciel : c’est le fait d’une gouvernance sans règles. Or, le rôle de l’État, c’est de fixer les normes qui doivent être applicables à tous. Et en cas de violation de ces dernières, il doit pouvoir intervenir pour imposer les sanctions. Tous les Haïtiens sont égaux devant la loi, quelque soit leur origine raciale (Art 18 de la const). Cette promesse de d’égalité ne s’est jamais réalisée quand on tient compte de la disparité existant entre les principes démocratiques et la réalité sociale vécue.

Quoiqu’il en soit, notre monde contemporain est celui où les cultures, les races, les religions, les nationalités se rencontrent. La réponse à tout ce mélange, ce n’est pas l’épuration raciale, ni l’intimidation d’un groupe social, mais l’intégration de tous les citoyens se trouvant sur le territoire sous un même drapeau. Pour répondre à tous ces défis, la politique chez nous doit être l’affaire des modernes. Donc, il faut la concevoir et la faire autrement.

Un vaste échec
La gouvernance de Jovenel Moïse fut un vaste échec. On ne présente pas l’échec à la jeunesse ni aux générations futures. La route de l’échec est celle de l’oubli. Car, beaucoup de nos anciens gouvernants, quoique vivants, sont passés déjà à l’oubli collectif pour avoir manqué à leurs responsabilités dans la gestion de la charge publique.

L’échec d’une manière générale n’a pas de courtisans ni de partisans. Ce qu’on attend de nos politiciens, ce sont des résultats. C’est pourquoi je ne souhaite l’échec d’aucun gouvernement, car c’est tout le pays qui en pâtit. C’est pourquoi je suis de ceux qui souhaitent que le Premier ministre Ariel Henry gouverne le pays de manière satisfaisante. Un gouvernement de fait, comme celui bénéficiant de la légitimité démocratique, a les mêmes responsabilités devant la nation, par exemple celle de protéger les citoyens contre les entités criminelles qui, par l’ampleur de leurs atrocités contre les personnes innocentes, choquent la conscience universelle.

Face à la banalisation de la vie dans notre pays et l’arrogance des groupes armés, les citoyens questionnent chaque jour l’indifférence des autorités de l’État à protéger la vie. Le gouvernement que dirige le Dr Ariel Henry ne peut pas manquer à cette responsabilité, sinon il aura le même verdict de l’histoire que Jovenel Moïse. Son rôle n’est pas d’assurer la défaite du citoyen, de la république mais d’en faire la promotion.

Une année après l’assassinat du Chef de l’État, comme on peut le constater, le chaos s’amplifie en Haïti, donc on est dans une situation de stagnation. Le mécontentement populaire grossit. Tout le monde est insatisfait. Un mécontentement qui pourrait se transformer en révolte générale, si le droit à la vie n’est pas rétabli. Entre-temps, les extrêmes se mobilisent dans une perspective de la reconquête du pouvoir soit par voie du recours, soit par celle du concours.

Dans tous les cas, la situation est explosive. Personne ne gagnera dans cette situation chaotique, même pas ses concepteurs idéologiques. La coalition au pouvoir depuis une année, à mon humble avis, n’a pas encore trouvé le chemin pour sortir des difficultés. L’accord de Montana sur lequel se sont alignés le PEN et le GREH n’offre pas non plus de perspective à une résolution réelle de la crise. Il est temps de sortir de la phase d’essai à la définition d’une réelle transition qui aura un contenu et une durée bien définie.

Le Premier ministre n’est pas obligé de conclure un accord politique avec le groupe Montana pour que son gouvernement soit valide. Aucune entité ne saurait se considérer comme un groupe dominant dans notre espace politique en dehors duquel aucune solution n’est possible. Quant il s’agit des problèmes qui concernent la République, tout le monde est légitime pour en parler. Dans ce contexte où la légitimité démocratique n’est nulle part, ce qui est important, c’est de trouver sur quoi on est d’accord pour avancer dans la perspective d’un retour rapide à la normalisation de la vie institutionnelle du pays. Il suffit que ces points d’accord trouvent une acceptation suffisante dans la société globale, peu importe les groupes qui y adhèrent.

Comme beaucoup d’Haïtiens, je pense qu’il est urgent de retourner à l’État de droit en offrant la possibilité au peuple de choisir ceux qui doivent le gouverner. En absence de cette volonté souveraine clairement exprimée, personne n’a la prédominance dans la conjoncture actuelle, ni dans la recherche de solutions aux problèmes que nous avons créés par notre incapacité à gérer le pays. Il faut prendre le risque d’être à nouveau ensemble pour recréer l’espoir que nous avons détruit. Ce bilan désastreux est celui de tous les courants et secteurs politiques à l’œuvre dans notre pays depuis plus trois décennies. Notre malheur est le fait d’une classe d’hommes à gauche comme à droite qui, depuis 1986, ont utilisé la violence contre le pays et la jeunesse. Les scènes de protestation enregistrées ces derniers jours à travers le pays annoncent la fin de quelque chose. Les élites ont l’obligation de trouver un compromis politique de manière urgente pour éviter que la situation s’aggrave davantage. Si ces messieurs et dames de l’oligarchie politique, acteurs des trente dernières années de la descente aux enfers de la République d’Haïti, peuvent enfin de s’unir pour une dernière fois pour parler de pays, on peut que se réjouir de cette ultime prise de conscience qui apportera un climat de détente dans la situation actuelle. Si les élites refusent ce nécessaire compromis parce que trop soucieux de préserver leurs intérêts égoïstes et mesquins, la délivrance sortirait du peuple et celui-ci l’accomplira dans la plus grande douleur. Le pays est à tout de souffle et à bout de tout. Quand tout s’effondre, il faut prendre ensemble la route du pardon total et de la renaissance.

Sonet SAINT-LOUIS av
Professeur de droit constitutionnel et de Méthodologie de la recherche, Faculté de droit, Université d’État d’Haïti

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