Le séisme du 14 août 2021 : Une impression de déjà-vu !

Tout au long de son histoire, Haïti a souffert de cyclones, d’ouragans, de tempêtes tropicales, d’inondations et de tremblements de terre. La saison des ouragans en Haïti dure de juin à novembre. Le tremblement de terre de janvier 2010 a rasé des quartiers de la capitale et tué au moins 270 000 personnes et fait plus de 1,5 millions de déplacés [1].

La médiocrité des infrastructures, la déforestation et l’échec d’une préparation aux tremblements de terre et aux tempêtes, expose l’île à un très grand risque.

De 1994 à nos jours, environ huit catastrophes naturelles majeures se sont abattues sur Haïti. Le tremblement de terre du mois de janvier a provoqué l’émigration de centaines de milliers d’Haïtiens supplémentaires qui cherchaient à se soustraire aux conséquences de la dernière catastrophe, mais aussi à échapper aux conflits politiques et à la pauvreté[2].

L’exode a commencé : les Haïtiens sont nombreux à fuir le pays pour s’installer à l’étranger, légalement ou non. Par ailleurs, les Nations Unies estiment à plus de 500 000 le nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays[3].

« Au cours des dix dernières années, un grand nombre d’Haïtiens sont partis vivre à l’étranger, mais nous savions que la diaspora augmenterait plus rapidement après le tremblement de terre de janvier », a dit Mark Turner, porte-parole de l’Office des migrations internationales (OMI) à Haïti[4].

Selon Kathleen Newland et Elizabeth Grieco, de l’Institut des politiques de migration, les principales destinations sont les États-Unis et la République dominicaine. D’autres Haïtiens choisissent la Guyane française, la Guadeloupe, la Martinique, la France métropolitaine et les Bahamas[5].

Le cataclysme du 14 août 2021 

Haïti est situé au milieu d’un vaste système de failles géologiques résultant du mouvement de la plaque caraïbe et de la plaque nord-américaine massive.

Comme dans d’autres régions où les plaques tectoniques se rejoignent, il y a une importante activité sismique le long de la frontière de la plaque des Caraïbes en raison de ces failles.

C’est le glissement de la faille Enriquillo qui a conduit au séisme de magnitude 7,2 du 14 août 2021 ayant secoué le Sud d’Haïti. Cette tragédie naturelle a fait environ 1941 morts et plus de 900 blessés, selon la Direction de la Protection Civile (DPC) en Haïti (Bilan provisoire)[6].

L’épicentre du séisme, qui mesurait 7 sur l’échelle de Richter, se situerait à environ 15 kilomètres de Port-au-Prince. Et l’hypocentre (le point sous la surface de la terre où la rupture a commencé) n’était qu’à 8 kilomètres de la surface[7].

Celui enregistré le samedi 14 août 2021 est de magnitude de 7,2 et se trouve à 10 kilomètres de la surface, mais son épicentre se situe dans le sud de l’île.

A titre de rappel, il est important de préciser que le même évènement s’est produit en 1887, 1842, 1770 ,1751 et le 12 janvier 2010[8].

Comme ce fut le cas en 2010, des édifices publics, religieux, des écoles et des commerces ont été totalement ou en partie détruits. Malheureusement, les leçons d’un passé récent n’ont pas servi.

Assistance de la communauté internationale

A l’instar de 2010, des vols avec à leur bord des livraisons humanitaires émanant des organisations et gouvernements des pays amis commencent leur descente sur le sol haïtien.

Le Venezuela, sur instructions de Nicolas Maduro, a envoyé un premier avion d’aide transportant 30m tonnes d’eau potable, de nourriture et de médicaments, en réponse immédiate à la catastrophe[9].

De son côté, la République Dominicaine, la plus proche voisine d’Haïti a annoncé l’envoi par voie maritime de 10 000 rations de nourriture et de médicaments.

Pour sa part, le président mexicain, Andrés Lopez Obrador a annoncé l’envoi d’une aide humanitaire à Haïti et en ce sens le ministère mexicain de la Défense a confirmé l’arrivée de deux avions  avec 11,5 tonnes de médicaments et de nourriture, dont 1,5 tonne de lait en poudre et 2,5 tonnes d’eau en bouteille[10].

Une aide humanitaire de 500 000 dollars américains est annoncée par la Présidente de la Republique de Chine (Taiwan), TSAI Ing-wen.

Une aide d’urgence d’une valeur de huit millions de dollars des Nations Unies (ONU) à Haïti est annoncée par l’intermédiaire du Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, Martin Griffiths[11].

La joueuse de tennis japonaise Naomi Osaka, numéro 2 mondiale, a promis de reverser ses revenus du tournoi de Cincinnati du WTA Tour aux victimes du séisme en Haïti.

Le 17 août 2021, 3 millions d’euros ont été mobilisés par l’Union Européenne en vue de répondre aux besoins urgents des victimes du séisme.

8 hélicoptères du Pentagone ont été déployés pour le transport du personnel et des équipements de l’USAID.

Le Québec dispose d’une enveloppe de 1.5 million de dollars en vue d’assister les victimes de cette tragédie. Cette aide urgente vise des besoins prioritaires en eau, médicaments et matériels médicaux[12].

De plus, Haïti va recevoir un montant de 40 millions de dollars américains comme indemnité d’assurance du Caribbean Catastrophe Risk Insurance Facility a annoncé le 18 août 2021 le CCRIF dans un communiqué[13].

Des fondations, des ONG et des ‘’gofundme’’ se mobilisent sur les réseaux sociaux en l’absence d’un Etat défaillant en vue d’apporter leur soutien aux familles éprouvées. Le 18 août 2021, soit 4 jours après le séisme, les Assemblés de la Section Communale (ASEC) du Sud n’ont reçu aucune aide de la part de l’Etat central, selon la Présidente des ASEC du Sud. « Des confrères dans d’autres départements se préparent à nous joindre la main », a-t-elle souligné[14].

Des mesures prévisionnelles

L’un des points positifs de l’action gouvernementale est la présence des militaires des Forces Armées d’Haïti dans le Grand Sud. Ces dernières pourraient aider à évacuer les personnes en cas de besoin[15].

Dans le domaine de la construction, la volonté de se prémunir contre les cyclones, le sentiment d’insécurité au quotidien et l’aspiration à la modernité occidentale ont progressivement mené les constructeurs, les propriétaires et les décideurs à préférer les bâtiments en blocs de ciment avec des toitures en béton.

Cette technique de construction, certes résistante aux cyclones, est trop mal maîtrisée en Haïti pour que les bâtiments puissent résister à un séisme. A la fois par manque de moyens des propriétaires et manque de connaissances techniques, les maçons utilisent des matériaux de mauvaise qualité présents sur le marché local et ne respectent pas les bonnes pratiques de mise en œuvre de la maçonnerie chaînée.

En l’absence de normes et de contrôle de qualité des constructions, la vulnérabilité des bâtiments et de leurs habitants face au séisme a augmenté.

Après l’événement du 12 janvier 2010 et celui du 14 août 2021, le risque sismique en Haïti ne peut plus être ignoré. Il est donc de la responsabilité de l’Etat haïtien, des acteurs de la construction, professionnels du bâtiment, propriétaires et acteurs de l’aide internationale, de veiller à une meilleure qualité des bâtiments pour que le bilan du prochain séisme soit moins lourd. Il revient au final aux autorités haïtiennes de faire la promotion du Code National du Bâtiment d’Haïti de 2012 et d’utiliser la force répressive en vue de sa stricte application.

STEVE GUSTAVE,
AVOCAT AU BARREAU DE PORT-AU-PRINCE,
FONCTIONNAIRE DU MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES

[1] Haïti priorise, Construire les défenses d’Haïti contre les catastrophes naturelles.

[2] The New Humanitarian, L’émigration pour fuir les catastrophes et la diaspora pour faire marcher l’économie.

[3] Ibidem.

[4] Ibidem.

[5] The New Humanitarian, L’émigration pour fuir les catastrophes et la diaspora pour faire marcher l’économie.

[6] www.metronomehaiti.com.

[7] https://www.bbc.com/afrique/monde-58230439.

[8] https://www.bbc.com/afrique/monde-58230439.

[9] https://lenouvelliste.com/article/231026/seisme-laide-de-la-communaute-internationale-a-haiti-se-precise.

[10] Ibidem.

[11] www.metronomehaiti.com.

[12] www.metronomehaiti.com.

[13] Radio RFM (104.9 FM).

[14] Interview accordée à Radio Télé Zénith (102.5 FM).

[15] Copenhagen Consensus Center, Mettre en place une force armée : une analyse bénéfice-coût.