Dans l’univers haïtien contemporain, notamment sur les réseaux sociaux, un phénomène préoccupant prend de plus en plus d’ampleur : la montée de faux penseurs. Sans bagage académique sérieux, sans lectures approfondies ni expériences crédibles, ces individus s’autoproclament « analystes », « éducateurs » ou même « intellectuels ». Ils envahissent les plateformes numériques avec assurance, jouant le rôle de guides d’opinion alors qu’ils ne sont souvent que des marchands de confusion.

Le danger de ces figures n’est pas qu’elles soient visibles — mais qu’elles soient crues. En jouant sur la rhétorique populaire, l’émotion facile, le langage sensationnaliste ou victimisant, ces usurpateurs construisent une fausse légitimité. Leur véritable objectif n’est pas de former ni d’éclairer, mais de se mettre en avant, de nourrir leur ego, d’obtenir des vues, des dons, voire un capital social ou politique. Pire encore, certains manipulent consciemment leur audience pour des intérêts personnels — argent, notoriété, influence.

Pourquoi c’est sot — et dangereux — de jouer à l’intellectuel

1. Cela nuit gravement à l’éducation réelle

La jeunesse haïtienne est avide de repères, de vérités solides, de modèles crédibles. Quand des sots occupent l’espace pédagogique, ils transmettent des demi-vérités, voire des contre-vérités. Le mal n’est pas seulement dans l’ignorance, mais dans la certitude affichée : ils enseignent mal, avec arrogance, et empêchent d’apprendre mieux.

2. Cela discrédite les vrais experts

Les véritables intellectuels — sociologues, économistes, historiens, psychologues — sont souvent mis à l’écart ou ridiculisés, car leur langage est plus complexe, plus nuancé, moins “viral”. Pendant ce temps, ces pseudo-leaders occupent la scène avec des discours approximatifs, simplistes et souvent émotionnellement manipulatoires. Le débat public s’appauvrit.

3. Cela divise et abaisse la communauté

Loin d’élever le niveau de conscience collective, ces faux penseurs sèment confusion, peur, haine, et méfiance. Ils parlent de tout, souvent sans compétence, et se positionnent en juges moraux sans la moindre éthique intellectuelle. Leur plus grand tort ? Refuser de reconnaître leurs limites — et parler quand ils devraient écouter.

Démasquer les imposteurs, honorer les vrais bâtisseurs de savoir

La communauté haïtienne mérite mieux. Elle a besoin de véritables éducateurs, pas de clowns numériques ou d’acteurs en quête d’applaudissements. Il faut apprendre à distinguer l’ignorant — qui peut apprendre — du sot — qui croit tout savoir, et refuse d’apprendre.

Il est temps de revaloriser le savoir, de protéger la pensée critique, et de créer un espace où la parole publique repose sur la rigueur, l’honnêteté et la compétence. Pour y arriver, nous devons oser dénoncer ces imposteurs d’opinion, et remettre en lumière celles et ceux qui, dans l’ombre, continuent à travailler pour l’élévation intellectuelle du peuple haïtien.

Samuel Georges