L’Unité de lutte contre la corruption a été créée par décret du 8 septembre 2004 et mise en œuvre dans le cadre du Projet EGTAG1 de la Banque Mondiale en appui à la gouvernance économique du pays. A l’époque, Haïti avait ratifié la Convention Interaméricaine contre la corruption, sa mise en application faisait partie du mandat de l’institution.
Il faut dire que la création de l’ULCC est survenue suite à la publication en 2003 par Transparency International de l’indice de perception de la corruption où le pays figurait parmi ceux perçus comme les plus corrompus et l’adoption par les Nations-Unies de la Convention de Mérida.
La question qu’on doit se poser: cette institution a-t-elle été créée dans le but de combattre la corruption ou juste pour répondre aux exigences de la banque mondiale et de la BID? Juste en jetant un coup d’œil dans le classement mondial de Transparency International TI en 2004, l’année de sa création, le pays était en dernière position pour les pays les plus corrompus (145 sur 145 pays étudiés) alors il est classé en 2019 168 sur 180 pays étudiés. On ne peut pas vraiment parler de progrès car nous savons pertinemment que le niveau de corruption a augmenté considérablement dans le pays durant ces dernières années.
En vertu de de l’article 2 du décret du 8 septembre 2004, l’ULCC avait pour mission de travailler à combattre la corruption et ses manifestations sous toutes les formes au sein de l’administration publique mais qu’en est-il après plus de 15 ans d’existence?
A noter que la corruption reste et demeure un obstacle majeur au développement d’un pays et est perçue comme un fléau mondial. Bien que sa nature, son degré et son étendue diffèrent d’un pays à l’autre, elle constitue un phénomène qui concerne toutes les nations : elle touche les pays les plus développés, les moins développés, les plus riches et les plus pauvres.
De manière générale, il est estimé que, chaque année, le coût de la corruption s’élève à plus de 5 % du produit intérieur brut (PIB) mondial (transparancy internationale). On estime aussi que plus de 1 500 milliards de dollars américains sont versés en pots-de-vin chaque année (Source FMI).
Prenons par exemple le Québec avec l’UPACC, l’Unité permanente anti-corruption crée en 2011 on peut dire c’est l’ULCC du Québec. Plusieurs points sont à signaler, l’institution jouit d’une grande autonomie et la durée du mandat de son patron était de 5 ans renouvelable en 2011 alors qu’il est actuellement de 7 ans non renouvelable et dispose suffisamment de provision légale et juridique pour trainer devant la justice n’importe qui reconnu coupable des actes de corruption ou de fraude après enquêtes. Malgré que Le Canada se situe au 12ème rang mondial en terme de qualité de vie au niveau de la corruption en 2019. Le bilan de l’UPACC est assez intéressant à savoir, cent soixante et onze arrestations, une cinquantaine de reconnaissances de culpabilité. Près de 34 millions de dollars récupérés et près de 4500 signalements. Voici donc le bilan de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) depuis sa création en février 2011.
On peut se demander alors, à quoi sert l’ULCC quand on sait que la corruption dans toutes ses formes est présente et très visible en Haïti, où l’on retrouve tout d’abord la « grande corruption », qui consiste en des actions « commises aux échelons supérieurs du gouvernement et qui forcent les politiques ou le fonctionnement central de l’État, dont les dirigeants tirent profit au détriment de l’intérêt public » ; La « petite corruption », qui vise « les abus de pouvoir quotidiens des fonctionnaires subalternes et intermédiaires dans leurs échanges avec les citoyens qui tentent souvent d’obtenir des biens ou des services de base dans les hôpitaux, les écoles, les services de police et d’autres organismes » Et la « corruption politique », qui se traduit par « la manipulation des politiques, des institutions et des règles de procédure associées à l’affectation de ressources et de fonds par les décideurs politiques, qui abusent de leur position pour maintenir leur pouvoir, leur statut quo et leur richesse».
Si l’institution a pour mission de combattre la corruption alors qu’elle ne le fait pas ceci implique qu’elle nage elle-même dans la corruption dans la mesure où elle doit fermer ses yeux sur des cas de corruption existants et les cas qui lui sont rapportés ou bien elle peut tout simplement sélectionner des cas qu’elle décide de traiter en négligeant d’autres pouvant nuire aux autorités.
Quand on sait qu’Haïti fait face à une corruption sauvage et qu’on marche de scandale en scandale tels que : Fond Petrocaribe, fond coopérative, dérive au sénat, manipulation de l’ONA, malversation aux Douanes, pots de vin à l’aéroport, le fameux dossier Dermalogue, des cas flagrants de richesses illicites des sénateurs, des députés et des hauts fonctionnaires de l’État, subvention controversée et partisane des partis politiques etc. Les employés auraient dû être débordés par des cas à traiter et les prisons auraient dû être remplis de ces malfrats, mais hélas. Donc il n’y a absolument aucune volonté pour combattre ce fléau de la part des autorités chez nous.
Les derniers bras de fer entre l’ex-directeur de l’ULCC et le parquet de Port-au-Prince ayant conduit à sa révocation ne rassurent nullement, qu’il a tort ou qu’il a raison il est clair que la bataille contre la corruption a pris un mauvais coup. Le fait que le directeur de l’institution est à la merci du président de la république et que son mandat n’a aucune durée il va être toujours un j’approuve ou il va subir le même sort que monsieur Claudy Gassant au cas où il tenterait de s’approcher des autorités ou de leurs proches. En fait l’ULCC ne jouit d’aucune autonomie et ne peut pas combattre la corruption dans les conditions actuelles. Le fait que l’institution ne peut également émettre aucun arrêt de débets représente une contrainte majeure pour mener à terme ses poursuites.
Dans ce cas elle sert à quoi, à la prévention et la formation, non et non, vue la profondeur de la corruption en Haïti des actions concrètes qui peuvent conduire à des emprisonnements, de la confiscation des biens et des comptes bancaires sont nécessaires, de sévères sanctions juridiques et règles sont recommandées. Sinon le pays va continuer à payer très cher les effets de la corruption à savoir, mauvaise négociation de contrats par des bureaucrates corrompus, distribution d’exonérations fiscales et d’incitations à l’investissement par des législateurs corrompus en échange de pots-de-vin, collusion entre administrateurs fiscaux corrompus et contribuables pour leur permettre de se soustraire à l’impôt, surtaxation de produits et services de faible qualité, détournements de fonds par des bureaucrates corrompus, décisions de projets d’investissement et subventions fondées sur commissions et clientélisme, salariés et retraités «fantômes ». Sans une lutte réelle et sauvage contre la corruption, elle restera un cancer pour le pays, va freiner l’investissement et l’innovation, va entraver le développement économique du pays, va compromettre la démocratie, la justice sociale et l’État de droit. Comme on le désire, Haïti sera toujours classée parmi les pays les plus corrompus et les plus pauvres.