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Les Noirs kényans en sous-traitance

Le Premier ministre Garry Conille a exprimé l’espoir que la présence de forces internationales en Haïti soit la dernière. Cependant, cette aspiration semble illusoire, étant donné que l’occupation du territoire haïtien par des forces étrangères est devenue une habitude de nos dirigeants depuis trois décennies. Cette pratique a contribué à maintenir le pays à un niveau de dégradation jamais atteint en plus de deux siècles.

En l’espace de trente ans, Haïti a été le théâtre de trois interventions militaires étrangères. Au-delà des lacunes flagrantes dans la gouvernance publique, cette répétition souligne une profonde défaillance civique et patriotique. Tout ceci résulte de notre insatiable quête de pouvoir et de l’argent facile. Lorsqu’il s’agit de conquérir ou de conserver le pouvoir, tous les moyens sont considérés comme légitimes, quitte à brader la souveraineté nationale.

Qu’est-ce qui fait que la préservation de l’indépendance du pays et de son intégrité territoriale soient devenus un sujet négligeable pour cette génération de dirigeants et de politiciens? Pourquoi nos intellectuels ne se lèvent-ils pas pour dénoncer cela ? Où sont-ils donc ?

Une affaire de pouvoir et d’argent

Il y a un an, l’opposition à Ariel Henry s’opposait fermement à toute intervention internationale, craignant qu’elle ne renforce son pouvoir. Maintenant, avec l’ancien Premier ministre écarté, l’opposition soutient l’arrivée de forces militaires étrangères pour lutter contre les gangs. Ainsi, il y aurait une occupation jugée bénéfique et une autre nuisible selon les circonstances, manipulant ainsi le destin de la république. Pendant ce temps, les préoccupations quotidiennes du peuple sont reléguées au second plan, tandis que la crise politique semble se résoudre, puisque certains politiciens sans emploi depuis belle lurette en ont trouvé un.

Qu’est-ce qui a réellement changé dans la vie quotidienne des Haïtiens? Rien ! Cependant, une chose est sûre : la crise actuelle est davantage économique que politique, marquée par une absence d’opportunités. Dans ce contexte de précarité des élites, les seuls bénéficiaires semblent être les Américains. L’idée de faire intervenir de nouvelles forces internationales n’est pas nouvelle. L’ancien Premier ministre Ariel Henry, critiqué pour son manque de résultats, n’a pu garantir la légitimité d’une intervention internationale en Haïti, incitant la communauté internationale à chercher d’autres intermédiaires. Quand une occupation d’Haïti est nécessaire, ceux-ci savent à qui s’adresser et quels leviers activer pour y parvenir.

Ce qui saute aux yeux, c’est que le pouvoir global dirigé par les États-Unis arrive à exercer un contrôle total au sein du Conseil présidentiel de transition (CPT), un pot pourri exposant au grand jour le baiser du système délétère, désuet et moribond. Ce naufrage politique démasque les discours anti-impérialistes et anti-américains, que nous avons souvent dénoncés comme stériles, vains et improductifs. La coalition dirigée par Garry Conille clarifie les prétendus clivages idéologiques qui ont longtemps été mis en avant pour expliquer les divisions politiques. Il est manifeste que les élites de tous bords sont influencées ou gagnées par la stratégie américaine en Haïti. Après ce processus de discréditation politique trop visible, quel centre, voire un extrême centre, émergera-t-il? En réalité, pour la gauche comme pour la droite, le pouvoir vient de Washington, pas du peuple, qui, selon la constitution, est le seul détenteur exclusif de la souveraineté nationale. Chacun aspire à légitimer son autorité en s’alignant sur le pouvoir global dans ce nouveau contexte où Haïti devient un territoire transnational.

La stratégie de sous-traitance des États-Unis en Haïti est manifeste. Notre pays devient une marchandise et les élites locales sont réduites à un rôle d’intermédiaires préoccupés uniquement par leur part de profit. Les puissances occidentales ont mobilisé les Noirs des pays de la CARICOM pour établir le CPT, tandis que pour la sécurité, elles se tournent maintenant vers des Noirs au Kenya. C’est un changement de stratégie, mais quel en sera le résultat ? Il semble que la guerre – ou l’occupation – par procuration soit devenue une tactique géopolitique, les grandes puissances qui utilisant les agents locaux comme « proxy ». De simples courtiers, vivant de commissions sur la marchandise qu’est la république d’Haïti. Face à ce glissement vers l’indignité, existe-t-il des échantillons d’élites dans notre société capables de tracer une voie vers un destin plus glorieux et respectueux?

Retour sur image

Pendant plus de cinq ans, toutes les énergies des politiciens ont été canalisées vers la mise en place d’un gouvernement de transition hors norme. Cette démarche est la manifestation du refus des principes, de la constitution et des lois. Finalement, par un coup de force, le camp du bien, des bien- pensants et des ayants droit a remplacé le Premier ministre Ariel Henry, détenu par ses anciens « sponsors » en lieu sûr. Ce camp du bien fut il y a quelque temps celui du mal. L’échec se renouvelle à merveille!

Intéressant de voir comment le déshonneur et l’indignité font consensus. Où est la rupture qu’on nous avait promise? Il me semble que l’air, les paroles et les actions ne sont pas les mêmes. Les Haïtiens sont-ils dupes de tous ces clubs mafieux? Jamais les masques n’auront pourtant été aussi visibles. Ce bal des traites et des hypocrites est vraiment dingue mais en même temps pathétique.
On est bien conscient que le système est capable de se renouveler à merveille. Pourtant, on parlait de combattre le système et même de le détruire ? On ignore qui le représentait? L’opinion publique a besoin d’une clarification idéologique et politique! Celle-ci est le début du combat politique à venir. L’urgence, c’est l’engagement, le combat démocratique. L’actuel pouvoir de facto et illégitime doit offrir les conditions d’un processus électoral transparent et libre pour un retour à la normalisation de la vie institutionnelle et démocratique du pays.

Nous sommes une république démocratique. Donc, nous pouvons diriger que lorsque le peuple nous élit. Accaparer le pouvoir sans le consentement des citoyens relève de la violence politique. L’existence d’un pouvoir de transition dans un pays qui a déjà opté pour la démocratie est une régression démocratique, sociale et politique. Nous n’en voulons pas une troisième.

Pour sortir de cette situation de servilité, nous devons avoir le courage de dire la vérité au peuple. Loin de compromettre le processus politique en cours quoique mal engagé, notre devoir, c’est de préparer l’avenir pour enfin écarter la pente dégradante en ce qui concerne la souveraineté du pays.

Une seule intervention des forces étrangères sur notre sol aurait été suffit pour nous indigner, voilà nous en sommes arrivés à trois en trente ans. C’ est le seul testament que ces politiciens sans vision, incompétents laissent aux générations présentes et futures. Il faut une équipe de delivrance, compétente et patriote pour guérir les plaies et colmater les brèches.

Ce moment tragique, qui est celui du dévoilement et de la démystification sur fond de clarification idéologique et politique, oblige les patriotes à se mettre ensemble. Ainsi les intellectuels, les jeunes, la diaspora, les masses rurales et urbaines, les bourgeois à l’esprit moderniste et modernisateur doivent cesser de jouer le rôle de spectateurs impuissants et endormis face à la débâcle haïtienne. Nous devons ensemble présenter une alternative, sinon tout cela va finir tragiquement pour nous. Prenons donc un dernier risque Haïti!

Sonet Saint-Louis av
Professeur de droit constitutionnel, à la faculté de droit et des sciences économiques de l’université d’État d’Haiti.
sonet.saintlouis@gmail.com

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