«Nous ne condamnons pas la médiocrité haïtienne», disait Leslie Manigat. « Si nous le faisions, nous condamnerions la majorité de nos compatriotes. Ce que la qualité doit faire, c’est de créer les conditions pour que les médiocres puissent se former dans un but de performance. »
Les attaques se multiplient contre Me Josué Pierre-Louis, quelques semaines après le succès de son dernier ouvrage intitulé « La modernisation du droit haïtien un défi pour l’avenir ». Un livre qui tombe à pic à un moment où Haïti s’est engagée dans plusieurs types de réformes dont celle des codes pénal et de procédure pénale. Une publication qui intéressera aussi bien les juristes francophones que ceux issus des pays anciennement colonisés. C’est ce qui justifie la présence de Josué Pierre-Louis, professeur de droit, à l’UNESCO où il aura à présenter son ouvrage.
Beaucoup de citoyens pensaient que cette publication allait provoquer un débat intellectuel sérieux dans la communauté juridique nationale. Il n’en est rien. Au lieu de cela, ceux qui n’ont rien à dire au monde et aux jeunes générations se lancent dans le dénigrement en ressortant le vieux refrain de harcèlement sexuel invoqué contre l’ancien Ministre de la Justice sous la présidence de Joseph Martelly. Cette attaque datant de dix ans fait encore partie d’une bataille politique. Comme chez nous la politique se pratique sans vertu, tous les coups sont permis. Ceux qui remettent cette affaire sur le tapis n’ont pas consulté l’ordonnance du juge instructeur et le rapport du Sénat de la République relatifs à cette affaire. S’ils les avaient lus, ils sauraient que le juge d’alors ainsi que les sénateurs avaient conclu que les accusations de la jeune femme n’étaient que fantaisies. Le mot du droit a donc été dit. Mais ce qui est fantaisie chez nous devient technique politicienne pour détruire des adversaires supposés ou réels. C’est la manière de procéder de nos élites stériles qui excellent dans l’art de l’intimidation politique, stratégie des médiocres incapables d’accéder au beau, à la qualité et l’excellence.
Dr Josué Pierre-Louis n’est pas un saint de l’église. Qui l’est d’ailleurs ? Pascal disait : celui qui veut se faire ange devient carrément bête. Le problème est que nous sommes une société de jaloux et d’égocentriques. Nous préférons tout détruire plutôt que de reconnaître la qualité, surtout si le succès vient de l’autre et pas de nous-mêmes. Pierre-Louis est aux astres. Nous n’aimons et ne souhaitons pas qu’autres que nous puissions siéger à côté des astres, mégalomanie oblige.
Le drame d’Haïti, c’est que les médiocres sont solidaires entre eux dans leur manœuvre d’empêcher la qualité de triompher. Même les plus capables sont au service de la médiocrité. C’est pourquoi on préfère avoir des incapables au pouvoir dans le but d’en avoir le contrôle souterrain, de tirer les ficelles en coulisses. Nos deux siècles d’histoire se résument à cette déroute de l’intelligence.
Les attaques contre Josué ont été les mêmes dirigées contre Leslie Manigat. Le plus grand historien haïtien fut fortement combattu de son vivant. Pourtant ses vidéos répandant des réflexions politiques et intellectuelles d’une rare rigueur tournent aujourd’hui en boucle sur les réseaux sociaux. Une telle reconnaissance tardive de la valeur de cet homme est possible parce qu’il n’est plus là.
*La rareté des ressources*
Le problème, ce n’est pas seulement le refus du savoir, la vénération de l’ignorance et cette jalousie destructrice dans notre société. Ces comportements déviants ont une cause matérielle : la pauvreté. C’est cette misère qui produit aussi la démocratie de la crasse que nous expérimentons depuis des années. Les opportunités font défaut et la rareté des ressources matérielles crée des monstres dépourvus d’état d’âme. Ils peuvent tout détruire pour un plat de salade.
Il faut barrer la route à cette indigence morale engendrant cette médiocrité haineuse, arrogante et triomphante. La réponse à cette situation, c’est le développement économique, la mise en œuvre d’une politique de croissance pour créer les emplois. Tout ceci doit passer par une rééducation des élites haïtiennes sur de nouvelles bases. Sans un mieux-être, il n’y aura ni paix ni stabilité politique. Il sera dès lors difficile de sortir du cercle vicieux de la pauvreté, de la violence et des coups bas. C’est pourquoi l’émergence de beaucoup d’entrepreneurs créateurs de richesse est plus désirable que tous ces politiciens véreux plus enclins à défendre leurs intérêts égoïstes et mesquins que de travailler à résoudre les problèmes fondamentaux du pays.
Josué, mon frère, je te demande de suivre l’itinéraire que tu as choisi. Malgré des attaques injustifiées, ne sois pas méchant ni haineux ! Le noble de l’esprit que tu es doit refuser toute méchanceté, tout esprit de vengeance, tout orgueil pour n’être qu’”Esprit” afin de pouvoir trouver à notre société un débouché pour ses ambitions et son rêve d’accéder à des buts supérieurs, comme tu l’as fait avec art et science dans ton dernier ouvrage à succès, véritable œuvre de reconstruction de certaines vérités à l’œuvre depuis des lustres. Le succès fulgurant de ton livre, le 2 juin dernier, à l’hôtel El Rancho, est une invitation aux élites tiers-mondistes à concevoir et élaborer le droit autrement. Car dans notre monde contemporain dominé par la mondialisation, le droit est tout autre. Il faut donc désapprendre pour réapprendre, pour reprendre René Descartes.
Le temps, père de toute vérité, fera découvrir à d’humbles citoyens partout dans le monde qui ne te connaissent pas et qui chercheront peut-être à t’approcher pour mille raisons, que ce que tes détracteurs jaloux racontent n’a rien à voir avec toi et, comme tout esprit, continue la route des astres. Car, les peuples, disait Cicéron, quoique ignorants, sont capables d’apprécier la vérité.
Je te souhaite du succès pour ton périple intellectuel en Europe. Refuse toujours de t’enrôler sous le drapeau de la bêtise quotidienne, l’œuvre des esprits tourmentés. Ne cède pas à la dictature des réseaux sociaux qui nous effraie et condamne à tort ! Reste sur le terrain de la science malgré l’oppression et laisse les barbares de l’intelligence à leur trivialité !
Sonet Saint-Louis av
avProfesseur de droit constitutionnel, de méthodologie avancée de la recherche juridique, à l’Université d’État d’Haïti.
Professeur de droit des affaires à l’UNIFA