Merci de m’avoir accordé la parole dans ces séries de discussions que vous avez initiées dans le cadre des activités académiques de l’université d’Indiana, notamment la direction qui s’occupe des questions de l’Amérique Latine et des Caraïbes. J’y interviens malheureusement dans un contexte où la république d’Haïti fait face à l’un des moments les plus graves de son histoire. Les événements qui se sont produits au cours de ces quatre derniers mois nous obligent à dire que ce pays est arrivé à un point critique, où si rien n’est fait pour arrêter cette chute vertigineuse dans l’immédiat, il sera trop tard.
Puisqu’il s’agit de parler d’Haïti, situons-la historiquement. L’ancienne colonie française de Saint-Domingue, devenue une nation souveraine et indépendante en 1804 sous le nom de République d’Haïti, est le premier État noir à avoir accédé à l’indépendance dans l’histoire moderne. Cette révolte réussie qui a remis en cause et aboli le système esclavagiste de l’occident à l’époque, est révélatrice du caractère universaliste des droits de l’homme dont Haïti a été l’avant-gardiste.
Géographiquement, Haïti partage avec la République dominicaine l’île Hispaniola que Christophe Colomb a appelée « petite Espagne ». Le pays est situé dans le golfe du Mexique, entre Cuba à l’Ouest, Porto Rico à l’Est, la Jamaïque au Sud, au cœur des mers de la Caraïbe qu’on a appelée à juste titre la méditerranée américaine.
Haïti, cette patrie qui est celle de Jean Jacques Dessalines, de Toussaint Louverture, d’Alexandre Pétion, a une histoire tourmentée. Son histoire politique est faite de rivalités internes et externes.
Sur le plan interne, les aventures et les instabilités politiques ont conduit Haïti à adopter 22 constitutions en deux siècles d’Histoire. Ce laboratoire constitutionnel qu’est Haïti, a expérimenté tous les régimes politiques : monarchie, empire, république. Il y a 34 ans, tout de suite après la chute des Duvalier, cette nation a fini par se doter d’un régime politique moderne. Cette Charte fondamentale est jugée complexe pour certains et moderne pour d’autres, mais en réalité l’application ne dépend pas seulement de sa valeur intrinsèque mais de la volonté des gouvernants et de gouvernés de la respecter.
Changement de régime
Après vingt-neuf ans de dictature, cette Constitution devait marquer une rupture totale avec l’ancien système caractérisé par l’arbitraire et la confiscation des pouvoirs de l’État par un seul homme, comme on avait pu d’ailleurs le constater dans les régimes antérieurs. Le nouveau texte ratifié le 29 mars 1987 par une population en liesse, annonçait une ère nouvelle.
Malgré la mise en place de ce nouveau cadre théorique moderne dans lequel les nouveaux acteurs sont appelés à évoluer, les anciennes pratiques perdurent. S’il est évident que la dictature a pris fin le 7 février 1986, la démocratie ne s’est pas pour autant installée. Les comportements n’ont pas évolué, ce qui met à mal l’application de la nouvelle Charte dans un pays où les élites ont toujours vécu en violation de la règle du droit et de la loi. La politique en Haïti n’a jamais été, comme ailleurs, fondamentalement, sinon formellement saisie par le droit. Au contraire, la politique domestique le droit. Ce refus de la loi dans tous les compartiments de la société haïtienne, notamment chez les élites dirigeantes, est cause d’instabilité.
Pendant plus de trois décennies, le consensus établi par le texte de 1987 a été mis à l’épreuve de la tradition autoritaire. Compte tenu que ce nouveau système ne s’inscrit pas dans l’héritage historique et politique d’Haïti, il est donc mal compris et c’est pourquoi il est considéré pour beaucoup de chefs d’État haïtiens comme un instrument les empêchant de diriger. Une source même d’instabilité. Ce qui explique la dernière tentative de Jovenel Moïse, après celle de René Préval en 2011, de la remplacer en dehors de la procédure tracée par la constitution même. Pourtant, la Constitution de 1987 a accordé de réels pouvoirs au Président de la Président de la République même s’il en a limité certains.
Contrairement aux régimes antérieurs, la Loi mère a institué une dyarchie, une gouvernance à deux, où le Président et le Premier ministre se voient confier des compétences symétriques en vertu d’un système de contrepoids dans lequel les forces du Chef de l’État sont substituées par celles de l’État de droit. Cependant, le Président de la République reste un acteur central du système politique haïtien.
L’histoire constitutionnelle haïtienne n’a pas connu d’expérience similaire. Les principes démocratiques, de l’État de droit, de la bonne gouvernance et des droits fondamentaux ont souvent donné lieu à un bras de fer entre le Président de la République élu au suffrage universel direct et le Premier ministre nommé par ce dernier. En même temps, le Président n’est pas le supérieur hiérarchique du Premier ministre. Mais il n’est pas sur le même pied d’égalité que le Chef de l’État, ce dernier restant l’autorité de nomination, de qui le chef du gouvernement recevra son investiture. Qu’il appartienne à une même formation politique ou opposée, cet attelage Président-Premier ministre a du mal à fonctionner au cours de ces trois décennies. Cette difficulté révèle que la culture politique haïtienne n’est pas suffisamment pétrie par l’expérience démocratique pour pouvoir alléger les crises résultant de cet exécutif à deux têtes.
Cette Constitution reproduit les principes démocratiques, de l’État de droit et de la bonne gouvernance. Elle garantit généreusement les droits. Elle consacre l’indépendance de la justice en tant que pouvoir légitime de la démocratie, renforce l’autorité de l’instance législative sur le gouvernement dont un membre ou le gouvernement peut être démis de ses fonctions par un vote de censure à l’occasion d’une interpellation. Le droit de dissolution constituant une sorte d’équilibre dans le système parlementaire classique est refusé au Président, ce qui crée une sorte de frustration présidentielle. Un changement drastique porteur de conflits latents ou déclarés.
Il convient de mentionner que la constitution haïtienne n’a pas été élaborée dans un vide factuel. Sa justification dans le contexte haïtien résulte de l’expérience de ce peuple et des aléas de l’histoire. Après près de 30 ans de dictature, les Haïtiens aspiraient à un système dans lequel le pouvoir du Président de la République doit être encadré par des garde-fous. De manière théorique, le régime de 1987 a de surcroît posé les bases d’une gouvernance impliquant la participation de tous dans les affaires publiques par la mise en place des mécanismes à travers la décentralisation. C’est le manque de maîtrise de ce nouveau cadre dans lequel les nouveaux acteurs politiques (pouvoir et opposition) sont appelés à inscrire leurs actions qui engendre les crises successives multiformes auxquelles Haïti fait face aujourd’hui.
La difficile rationalisation de la vie politique
Dans mes interventions publiques, j’ai souvent souligné la nécessité de rationaliser la vie politique en Haïti, notamment le rôle de l’opposition dans la construction de la démocratie dans notre pays. Dans une démocratie moderne, pouvoir et opposition marchent de pair, l’un ne fonctionnant jamais sans l’autre. C’est ce qui fait la vitalité d’une démocratie. Dans notre démocratie, la légitimité et la légalité sont nécessaires pour exercer le pouvoir et asseoir la gouvernance. Un système qui admet l’existence d’une autorité en dehors du suffrage universel est un régime violent. Au même titre que le pouvoir, l’opposition doit être légitime. C’est grâce à cette légitimité qu’elle peut s’opposer aux décisions du gouvernement.
Mais en Haïti, tout le monde s’autoproclame opposition alors qu’en principe, l’opposition est institutionnelle, légitime et démocratique. Il n’y a pas d’opposition en dehors du cadre institutionnel qui est le parlement, le lieu où les partis d’opposition peuvent exposer leurs différends par rapport aux orientations du gouvernement majoritaire. Le régime politique actuel suffisamment démocratique n’est pas en soi générateur de crises. C’est plutôt une incompréhension des mécanismes à la base du fonctionnement du système politique haïtien défini par la Constitution et une absence de mentalité de légalité chez les acteurs politiques qui créent les crises à répétition. La promesse de la démocratie haïtienne n’a pas pu être tenue et se transforme en cauchemar à cause du retour en selle de politiciens qui ne jurent que par la force et non par le droit et qui installent une mauvaise gouvernance publique, renforçant les inégalités sociales inacceptables et engendrant des disparités économiques dangereuses. Ces éléments que je viens de citer s’incrustent dans les gènes du système démocratique haïtien naissant, d’où notre drame.
En quoi une Haïti démocratique, stable, bien gouvernée, dominée par les principes de l’État de droit serait-elle une menace pour les acteurs dominants, les maîtres du système en Haïti ?
Pour montrer comment un changement de valeur peut provoquer des effets pervers, je m’inspire des travaux du professeur Christophe Zeeman, plus précisément de sa théorie des catastrophes, laquelle met l’accent sur deux paramètres intéressant le champ des crises : l’idée de discontinuité et celle d’instabilité. Cette théorie me permettra de faire avancer la réflexion sur ce sujet en portant la question sur le plan du droit, plus précisément sur le plan constitutionnel.
Dans le monde, il existe de grands systèmes politiques comme ceux en cours aux États-Unis, en France et en Angleterre. Les institutions politiques de ces pays présentent une originalité. Une analyse comparative de ces systèmes politiques nous montre que le système haïtien a sa propre originalité, sa propre rationalité. Tous les éléments de ce système politique – État, souveraineté, Constitution, suffrage, parlement, justice, droits fondamentaux, contrôle de constitutionnalité etc – permettent d’établir des divergences entre les régimes politiques adoptés par chaque pays.
Le système d’Haïti élaboré dans un contexte politique propre s’inscrit dans la logique du régime parlementaire, avec ses spécificités propres qui lui assurent son originalité. La Constitution de 1987 avait à résoudre un problème bien différent de ce que pouvaient préoccuper les Français, les Américains, les Anglais, ou d’ailleurs des citoyens de n’importe quel pays. Les préoccupations du peuple haïtien exprimées par les rédacteurs du texte de 1987 dont il est l’auteur exclusif ne consistait pas à transporter la rationalité française ou allemande dans le contexte haïtien. Elle visait plutôt à faire naître une nouvelle démarche qui est adaptée à son évolution vers la démocratie et le progrès.
Le régime politique haïtien corrige certains aspects du système parlementaire, notamment le droit de dissolution dont dispose par exemple le Président de la République dans le régime français. En même temps, il revoit la fonction présidentielle dans un pays où la force du Président se manifestait dans l’arbitraire. Ce virage vers l’État de droit qui signifie la réduction de l’arbitraire doit être compris comme une donnée fondamentale dans la crise de gouvernance que traverse Haïti. Ces changements brusques introduits dans la Constitution sont en avance sur la mentalité de nos dirigeants.
Les élites doivent être éduquées
Les crises qui sont nées à partir de cette nouvelle réalité démontrent que les gouvernants de l’après 1986 sont en retard sur les valeurs et les phénomènes que charrie la Charte élaborée en 1987. Ces nouvelles valeurs démocratiques – droits de l’homme, État de droit et de bonne gouvernance – exigent des conditions préalables dont l’éducation des élites. C’est là que réside le véritable choc entre l’ancien et le nouveau. Le vrai conflit en Haïti est traduit dans cette phrase de Gramsci « l’ancien meurt mais le nouveau ne peut pas naître ».
Cette crise haïtienne, qui ne date pas d’hier, handicape le vivre ensemble et le progrès dans notre société. Les acteurs politiques, la société civile et la communauté internationale, actrice importante dans le jeu politique haïtien, n’entrevoient pas de solution. Pour le moment, on assiste à l’affrontement entre deux sociétés : une qui a atteint sa limite historique de décomposition, qui doit nécessairement partir mais résiste, et une autre porteuse d’un renouveau démocratique synonyme de modernité, qui a du mal à s’imposer.
C’est dans le cadre du conflit entre l’ancien système politique trop coriace et le nouveau modernisateur mais encore frêle qu’il nous faut chercher à comprendre la crise actuelle. Celle-ci n’est rien d’autre qu’une opposition entre la société traditionnelle moribonde, incapable d’évoluer vers une nation démocratique dominée par les règles de droit et un système qui se veut démocratique et moderne. C’est dans ce cadre-là que nous situons notre démarche qui permettra de comprendre le rôle des nouveaux acteurs (haïtiens et étrangers) dans la gouvernance publique haïtienne et les crises qui en résultent.
Le changement réclamé par les Haïtiens au lendemain du 7 février 1986 s’articule en fait autour d’un but : l’exigence d’une nouvelle société politique moderne remettant en cause les règles, les pratiques, les comportements qui ont façonné négativement la vie politique haïtienne pendant deux siècles. Tout ceci devrait se concrétiser à travers une nouvelle constitution. Je mets l’accent sur la question constitutionnelle, parce que c’est important : la majorité de nos crises politiques sont de nature constitutionnelle.
Je me pose la question sur les raisons qui rendent difficiles la mise en œuvre de toutes les institutions prévues par la Constitution et pourquoi celles mises en place sont toutes effondrées aujourd’hui. La crise actuelle serait-elle globale ? Dans quelle mesure menace-t-elle de destruction la république d’Haïti alors que des millions de dollars ont été dépensés par la communauté internationale pour aider ce pays à se relever et maintenir en vie les institutions dédiées à la mise œuvre de l’État de droit, telles que la justice, le Parlement et la Police nationale? Pourquoi la crise haïtienne s’installe-t-elle en permanence ? Pourquoi changer une Constitution qui n’a pas jamais été mise en œuvre ? Qu’est-ce qui explique cette obsession de la part des acteurs locaux et internationaux à vouloir la mettre de côté pour en fabriquer une autre ?
La Constitution est-elle aussi en crise? Non ! Elle a été plutôt dégradée, dépréciée , violée par les différents gouvernements, invoquée au besoin, au point de se demander si elle garde encore une emprise dans la réalité malgré son caractère démocratique et républicain. Ce sont les pratiques traditionnelles incapables d’évoluer et de se moderniser qui sont en crise. Ce sont les défaillances internes liées aux modes opératoires de la communauté internationale en Haïti à travers des élections truquées et commanditées qui sont génératrices de crises en Haïti. D’où l’urgence d’un changement de paradigme. Quand la constitution d’un pays est détournée, la volonté du peuple bafouée, le consensus n’est plus, alors s’installent les crises.
Les causes de l’anarchie actuelle
Qu’est-ce qui a conduit Haïti vers l’absurdité actuelle, vers cette anarchie dangereuse ? C’est cette absence de l’ordre dans lequel s’inscrit la gouvernance d’Haïti depuis bien des temps par des gouvernements médiocres, soutenus par une communauté internationale peu soucieuse pour ne pas dire indifférente. L’étranger a aveuglément soutenu l’ancienne équipe au pouvoir dans son projet de changement constitutionnel. Mais si ce plan n’a pas abouti non seulement parce qu’il était illégal de changer la Constitution en dehors de la procédure tracée par celle-ci, mais aussi parce que l’initiative avait été dénoncée par les secteurs majoritaires de la nation qui voyaient dans le texte de projet de Constitution une volonté ferme d’imposer en Haïti une démocratie réduite, synonyme de dictature.
Tout comme son projet de constitution, le Président Jovenel Moïse n’a pas survécu. La journée du 7 juillet 2021 fut un cauchemar dans l’histoire politique haïtienne. Le Chef de l’État fut assassiné chez lui. Ce crime a eu lieu alors que son mandat était arrivé à expiration depuis le 7 février 2021 aux termes de l’article 134-2 de la Constitution haïtienne en vigueur. Mais comme on le sait, il avait décidé de rester au pouvoir pour une année de plus. Cette mort brutale qui a aussi consacré l’anéantissement de toutes les institutions, est révélatrice de l’incapacité de l’opposition et la société civile haïtienne à proposer une solution à la crise haïtienne compte tenu du désert constitutionnel dans lequel est plongé ce pays, ce marasme ayant emporté la Constitution et toutes les institutions publiques. La disparition brutale du Chef de l’État était d’ailleurs survenue à un moment où deux branches de l’État (le pouvoir exécutif et le parlement) étaient déjà dysfonctionnelles alors que la Constitution ne prévoit pas qu’une branche de l’État puisse être en vacances.
La communauté internationale, à travers le Bureau intégré des Nations Unies (BINUH), est aussi fautive que les dirigeants haïtiens, notamment l’ancien Chef d’État dont la mission constitutionnelle était de s’assurer de la bonne marche de l’État aux termes de l’article 136 de la Constitution. En se donnant une autorité supérieure à celle qui lui est attribuée par la Constitution, le Président Moïse, par ses actions, a mis en échec le fonctionnement des pouvoirs publics dont il devait en assurer la continuité en tant que pôle nécessaire du régime politique haïtien. En effet, l’installation du gouvernement du Premier ministre Ariel Henry en dehors de la légitimité démocratique et de la légalité et également sans un réel consensus national – mais voulu par la communauté internationale – est la conséquence de la mise en l’écart de la constitution par le Chef de l’État et toutes les instances étatiques.
En conclusion, on peut affirmer qu’Haïti fait face à cette crise parce que les élites ne sont jamais arrivées à construire l’État d’Haïti. Cette Constitution à partir de laquelle le consensus a été établi, implique avant tout un projet voulu et accepté tant par les gouvernants que les gouvernés.
Haïti malheureusement n’a pas décollé après 1986. Cette transition vers la démocratie n’a pas réussi par le fait qu’elle dispose d’une élite réfractaire au progrès. C’est le refus et l’absence de l’ordre et de la modernité démocratique, telle que nous la connaissons en occident, qui a plongé Haïti dans cette crise permanente. La détresse haïtienne est le résultat et la persistance des régimes corrompus et autoritaires incapables d’évoluer dans le nouveau cadre théorique moderne défini par le régime politique haïtien. Les crises politiques à répétition que connaît Haïti naissent de cette incompréhension mais surtout de la volonté des classes dirigeantes et possédantes de s’accrocher à l’ancien devenu désuet incapable de répondre aux demandes sociales.
Honnêtement, on ne saurait imputer toute la responsabilité de l’échec d’Haïti aux seuls dirigeants haïtiens ou aux fautes de gouvernance de ceux-ci. La Communauté internationale, plus précisément le puissant voisin du Nord, les États-Unis d’Amérique, qui face à la faillite organisée et entretenue de l’État d’Haïti, a le contrôle sur tout. En fait, c’est une responsabilité globalement partagée entre les élites dirigeantes et possédantes haïtiennes et les puissances occidentales présentes en Haïti réunies depuis quelque temps au sein du Core Group, un « syndicat » de diplomates qui constitue un acteur majeur dans le jeu politique haïtien. Cette crise de gouvernabilité démontre les limites des pratiques traditionnelles et les interventions des puissants de l’international dans le cas haïtien.
La solution est l’amour du pays
Cette crise est totale. Chaque jour, Haïti perd le contrôle de son territoire avec des bandes criminelles qui se multiplient et mettent en échec les autorités étatiques de fait. L’infiltration d’une mafia locale avec des ramifications externes de la gouvernance d’Haïti met la république d’Haïti aujourd’hui à plat. Aujourd’hui, c’est la question de l’existence de l’État d’Haïti qui est posée. Et si cela a été une stratégie de la Communauté internationale, elle a quand même réussi leur plan : Haïti donne l’image d’un État totalement dévasté.
Le relèvement d’Haïti ne sera pas possible, vu l’état avancé de la catastrophe dans laquelle elle est plongée, sans le soutien des vrais partenaires internationaux sensibles à sa détresse. Je ne dis pas que seule la communauté internationale peut résoudre le problème d’Haïti. Ses différentes tentatives d’imposer des vues aux Haïtiens n’ont pas aidé à la résolution des problèmes d’Haïti. Là, il y a un foyer de péchés qui invite à la repentance. C’est pourquoi je dis que la communauté internationale doit cesser de tenir Haïti par la gorge et changer de stratégie.
Malgré la politique néfaste de la communauté internationale, notamment les États-Unis envers Haïti, il est un fait que notre pays ne pourra pas s’en sortir seul. La meilleure façon de supporter Haïti, c’est l’aider à mettre en place un gouvernement dévoué au bien public, capable de fonctionner selon les principes démocratiques, de l’État de droit, de la bonne gouvernance et de garantir les droits fondamentaux des Haïtiens.
Les Américains et les Haïtiens sont liés par l’histoire et par une importante diaspora résidant aux États-Unis. Ce n’est pas par hasard que les Etats-Unis et la diaspora haïtienne sont les deux contributeurs à l’économie haïtienne. Il faut un plan pour la reconstruction d’Haïti mais une volonté manifeste pour aider ce pays à se doter d’un système politico-administratif moderne, tout en tenant compte de ses spécificités historiques et culturelles. Même avec une communauté internationale bien intentionnée, il revient encore aux Haïtiens de définir le schéma directeur du développement chez eux. De ces échecs répétés dus aux diktats étrangers à travers la structure globale du Conseil de sécurité de l’ONU, de la domination brutale des États-Unis pour imposer leur ligne de conduite, du machiavélisme consommé dans ce cadre préétabli où le dossier haïtien est traité dans la grande politique mondiale, les Haïtiens doivent passer de la haine de l’international à l’amour pour leur pays pour résoudre les problèmes qui se posent à eux.
Sonet Saint-Louis av
Professeur de droit constitutionnel à l’Université d’État d’Haïti
Professeur de droit des affaires à l’UNIFA
Professeur de Méthodologie de la recherche au CEDI
Université d’Indiana, 20 novembre 2021.
Tel 50937368310/ 42106723
sonet.saintlouis@gmail.com