Le scandale autour de la Banque Nationale de Crédit (BNC) est bien plus qu’un simple cas de malversation financière. Il révèle une fois de plus la profondeur de la crise de confiance qui gangrène les institutions haïtiennes et expose au grand jour les contradictions des élites politiques du pays. Les récentes divisions au sein du parti EDE, à propos de la démission de Smith Augustin du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), illustrent parfaitement ce désordre politique.
Face aux accusations de malversation contre trois conseillers-présidents, dont Smith Augustin, plusieurs secteurs et partis politiques ont rapidement exigé leur démission, clamant la nécessité d’assainir les institutions. Pourtant, la réponse du parti EDE reflète tout autre chose. Sous la direction de Claude Joseph, le parti a oscillé entre soutien inconditionnel et rétractation stratégique, démontrant que les principes affichés de moralité et de justice semblent céder le pas aux jeux d’influence et aux calculs opportunistes.
Mme Sterline Civil, ancienne secrétaire générale du parti, a refusé de retirer Smith Augustin du CPT, invoquant la présomption d’innocence. Un principe certes fondamental, mais trop souvent brandi comme un bouclier par ceux qui cherchent à gagner du temps ou à minimiser l’ampleur des scandales. Ensuite, le président du Conseil Stratégique du parti est intervenu sur plusieurs stations de radio pour défendre bec et ongles Augustin, dénonçant une prétendue cabale montée par des “secteurs mafieux” cherchant à écarter leur représentant. Peut-on vraiment croire que tout est manigance et que le souci de transparence est une illusion?
Ce revirement s’est finalement soldé par une volte-face surprenante de Claude Joseph lui-même, qui, par le biais du Bureau Politique National du parti EDE, a finalement demandé à Smith Augustin de démissionner. Ce revirement soudain n’est pas le signe d’une prise de conscience éthique, mais plutôt celui d’un calcul politique mûri par la crainte des conséquences. Le parti EDE, sous la houlette de Claude Joseph, semble vouloir sauver sa réputation en se débarrassant de la figure devenue trop embarrassante. Mais cette décision tardive ne convainc guère et expose des lignes de fracture au sein du parti, provoquant une vague de démissions et d’alliances rompues.
Il est intéressant de noter que malgré ce tourbillon politique, RED et Compromis Historique, partenaires de la coalition, continuent de soutenir Smith Augustin. Cela montre à quel point la politique haïtienne est encore dictée par des promesses de postes et des calculs d’influence plutôt que par une réelle volonté de changement. Ces deux partis n’ont pas encore tiré parti de l’influence de Smith Augustin, mais leur soutien laisse penser qu’ils espèrent en tirer des bénéfices futurs sous la forme de nominations dans des organismes autonomes. Une autre démonstration que, dans le marigot politique haïtien, les principes s’effacent souvent derrière les intérêts personnels.
Le vrai problème est là : au lieu de réformer en profondeur les institutions et de rétablir la confiance des citoyens dans leurs dirigeants, les partis politiques en Haïti préfèrent s’entredéchirer et manœuvrer en coulisses. Les récents développements au sein de l’EDE en sont une triste illustration. Au lieu de montrer un front uni pour faire face à la crise, le parti se désintègre sous nos yeux, rendant encore plus floue la perspective de stabilité politique.
Cette situation laisse planer le doute sur l’avenir immédiat du Conseil Présidentiel de Transition, où les rivalités internes et les coups bas risquent de prendre le dessus sur les intérêts du pays. L’accord du 21 décembre, qui propose des changements au sein du CPT, pourrait encore compliquer davantage la donne. Claude Joseph cherche à remplacer Smith Augustin, tandis que, Moïse Jean-Charles, maintient fermement sa position en faveur son représentant Emmanuel Vertilaire au CPT.
En fin de compte, l’affaire de la BNC n’est qu’un symptôme d’un mal plus profond. Tant que les élites politiques d’Haïti n’adopteront pas une approche fondée sur la transparence, la responsabilité et la justice, les scandales continueront à miner le peu de confiance que le peuple peut encore avoir en ses institutions. Il est temps de rompre avec ces pratiques politiques stériles et destructrices qui nous maintiennent dans l’immobilisme. L’avenir du pays en dépend.