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    Violences envers les femmes et l’ indifférence de la société haïtienne

    La violence faite aux  femmes est un phénomène commun à toutes sociétés, présent dans tous les pays, et bien entendu, Haïti n’est pas épargné. Faut noter en passant qu’elle ne se résume pas qu’à des sévices corporels mais on s’attarde souvent sur les femmes battues

    En général on divise ces dernières  en deux catégories, celles qui subissent sans réagir, en se protégeant tant bien que mal, en suppliant, souvent en pleurant, pour que les coups s’arrêtent.

    Et l’autre catégorie celles qui se défendent, qui ripostent et certaines femmes y arrivent très bien. Cependant  il y a une autre catégorie dont on parle rarement. Ce n’est pas volontairement mais c’est par ignorance et il est difficile d’apporter une assistance aux femmes de cette catégorie là parce qu’elles n’en parlent pas.

    « Je me rendais dans une banque à Turgeau avec mon mari, quand, à la rue Caméléon une foule attira mon attention, arrivant à sa hauteur j’ai vu avec stupéfaction un jeune homme qui battait une jeune femme, cette dernière, en larmes, maillot complètement déchiré, soutien de gorge au vu de tous, cheveux en pagaye,  essayait de se défendre. Naturellement on stoppa la voiture, traversa la foule et dégagea la jeune dame des mains de son bourreau, qui bien entendu fulminait de rage du fait de l’avoir interrompu ».

    Ce qui m’a exaspéré ce jour-là dans cette histoire, c’est le comportement de la foule, personne n’a porté secours à la dame en détresse mais cherchait à comprendre qu’est-ce qu’elle a bien pu lui faire pour qu’il soit autant en colère.  Et cela m’a aidé à comprendre la position des femmes de cette dernière catégorie.

    La  violence faites aux  femmes,  c’est un fléau qui comme partout ailleurs, continue à faire rage. On parle souvent de lutte contre la violence faite aux femmes, ce qui fait couler beaucoup d’encre entre autres. Par contre, chez nous, il existe un paradoxe autour de cette question, car malgré cette soi-disant dénonciation, l’hypocrisie qui l’accompagne est palpable. Hypocrisie parce que souvent,  ce sont les victimes qui sont étiquetées à un point tel qu’on les confond avec les bourreaux.  Ce sont elles qui ont du ma à marcher la tête haute, ce sont elles qu’on pointe du doigt, ce sont elles qui portent la honte.

    À première vue, être battue en Haïti suscite de la pitié, mais cette soi-disant pitié s’exprime par le fait de chercher ce qui a pu pousser un homme à frapper une femme, on cherche toujours à savoir qu’est ce qui l’a autant mis en colère.

    Être battue en Haïti n’est pas le seul acte qui contribue à la dégradation de l’estime de soi, ou qui inflige une blessure morale, ce n’est pas le seul acte qui pousse au suicide ou à la réclusion, le comportement de la société vis-à-vis de la femme battue y contribue grandement aussi.

     Il n’y a pas plus blessant que de demander à une femme que son mari vient de bastonner « Kisal gen ak ou poul baw tout kou sa yo pitit » ou encore « qu’est ce que tu lui a fais pour qu’il te frappe de la sorte » ou mieux « saw fèl la kifel en kolè konsa » ces types de questions accélèrent la décente aux enfers de la femme battue, et ne font qu’accroitrent son humiliation.

    En juin 2010 j’ai assisté à une scène ou un homme en rogne a tabassé sa femme dans une banque, ébahit tout le monde compatissait et les commentaires fuselaient.

    « Mais qu’est-ce-qu’elle a bien pu lui faire, pour qu’il la frappe en public ? C’était la grande question ? Mais était-ce la bonne ?  La bonne ne serait-elle pas, comment un homme peut-il oser frapper une femme et soit tout aussi confortable pour le faire en public ? 

    Mis à part ce questionnement qui vise à chercher des raisons aux bourreaux, il y aussi le comportement de la société face aux femmes battues. Quand on sait que tu es une femme battue, tu régresses automatiquement et malheureusement tu le sais et tu le sens,  les commentaires comme « m konn mèt kew kounya » ou « Ou wè lap pran poz li la lè mari a pranl se touye » ou mieux « tout frekan sa lap fè a mari a ki pa la konl vini lap pran fòm kòl » et j’en passe.

    C’est justement ce processus de chercher des raisons pour expliquer l’acte du bourreau et à chercher les torts des victimes  et à les étiqueter qui a fait naitre cette troisième catégorie de femmes battues à savoir, celles qui subissent sans piper mots.  Celles qui trouvent toujours des excuses pour expliquer leurs hématomes, celles qui  les dissimulent tant bien que mal sous des maquillages, celles qui renvoient l’image de la femme heureuse malgré elle.

    Ceci dit, pour lutter efficacement contre le phénomène de femmes battues, il faut que la société commence à comprendre que, peu importe la raison il est inadmissible de frapper une femme, il faut que la société commence à comprendre que dans tous les sens du terme la femme battue est une victime et ce n’est pas à elle d’excuser son comportement ou d’être étiquetée, il faut que la société commence à pointer du doigt les bourreaux aussi et surtout les traiter comme tel, en commençant par les interdire certaines privilèges rien que pour les rappeler qu’en frappant une femme, ils contribuent à la détérioration de la société. Détérioration de la société car quand on est une femme battue, dans peu importe la catégorie qu’on se situe, il n’y a aucune différence, car être battue n’atteigne pas que le corps mais aussi et surtout l’âme et l’esprit, être battue diminue l’estime de soi, être battue, humilie, être battue rend suicidaire. Ne dit-on pas que la femme est le pilier de la société ?  Alors à qui revient-il le droit de malmener le pilier de la société ? 

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