Trop souvent nos jeunes haïtiens comparent leur vie à celle des enfants vivant à l’étranger. Ils se plaignent toujours du manque d’encadrement dont l’État fait montre. Aller à l’école, entamer des études universitaires constituent un canal vers le marché du travail et le succès, mais en Haïti, la quasi totalité des jeunes ayant terminé l’université, finissent au bord d’un ravin à jouer du domino ou à casser du sucre sur le dos de toutes les jeunes filles du quartier. L’agence TransparansMM a rencontré un jeune Capois vivant avec sa mère et ses deux frères dont il est l’aîné, il est un échantillon de jeune vivant toujours avec ses parents, il nous raconte sa vie avec douleur et désespoir.
Sous un soleil de plomb sous le boulevard du Cap-Haïtien, Jacques (nom d’emprunt) fait les 100 pas, un jeans délavé, les mains dans sa poche, Jacques a l’air perdu dans ses pensées. Il a 31 ans et il vit encore chez ses parents. Tiraillé par la curiosité, on cherche à savoir ce qui tracasse ce jeune homme, car le boulevard a beau bondé de gens, il est seul qui attire l’attention.
A peine approché de lui, il nous demande un peu d’argent de quoi donner à sa mère. Lui questionnant s’il a un problème, il nous confie qu’il se sent inutile, il se sent comme une bête en cage, impuissant. Pas une question de plus, Jacques se confie :
“Je suis l’aîné de ma famille, j’ai 31 ans, ma mère est âgée et mon père est mort, je devrais être en mesure d’aider ma mère avec les charges de la maisons mais je n’y arrive pas, car je ne travaille pas.”
C’est avec un sentiment de peine que Jacques se livre à nous, il passe toute sa matinée sous le boulevard et rentre très tard chez lui, un moyen de ne pas être de trop chez lui durant la journée et d’éviter les reproches de toutes sortes. “J’ai un diplôme en comptabilité et en administration, j’ai déposé mon CV partout dans la ville, mais j’ai toujours pas de travail, personne ne m’a appelé, un jour une entreprise m’a contacté, mais il me demande 5 ans d’expérience, et comment?? S’interroge Jacques les yeux humides de larmes.
En Haïti les jeunes sont mis à l’écart, on a qu’à voir les institutions étatiques du pays pour dresser le constat, les personnes âgées occupent la place depuis des années et refusent d’être retraités, une situation qui rend Jacques furieux. ” Les institutions de l’État regorgent de vieux qui refusent de céder la place aux jeunes, les employeurs nous demandent des années d’expérience alors qu’on a nulle part où exercer ce qu’on a appris, c’est du n’importe quoi”, se plaint-il en colère contre le système.
Nous sommes légion à penser que l’État n’encadre pas assez les jeunes, nous sommes nombreux à se comparer aux jeunes vivant à l’étranger, à l’opportunité qu’ils ont d’évoluer et d’apprendre. A 17 ans l’enfant veut déjà être indépendant, à s’assumer tout seul. Triste est de constater qu’ici en Haïti à 30 ans on est toujours un enfant privé de liberté car on ne peut pas s’assumer tout seul.
Jacques nous explique ses galères, ” je suis l’aîné de ma famille et quand il y a une tâche ménagère à faire c’est moi que ma mère interpelle, même les plus jeunes me parlent sous un ton impérieux, je me plains certes, mais je ne peux rien dire par peur de représailles. Je me sens comme un gamin de 2 ans juste parce que je ne peux pas ramener de l’argent à la maison. Cette situation me frustre, j’ai le potentiel et je veux travailler.”
Jacques est un échantillon de ce cas. Ils sont nombreux les jeunes qui vivent les mêmes expériences malgré eux…A défaut d’un travail, il se pavannent dans les rues pour fuir le regard glaçant de leur parents soit chez un ami à jouer du domino pour tuer le temps.
Quelle est la responsabilité de l’État vis-à-vis de ces jeunes ? Si vous avez la réponse, mettez la dans les commentaires.