La courte et tumultueuse carrière de Garry Conille comme Premier ministre d’Haïti a pris fin dans une débâcle politique qui révèle les défis structurels et humains du pouvoir en Haïti. Alors que son ascension était marquée par une unanimité apparente, sa chute rapide est le résultat d’erreurs stratégiques, d’un isolement progressif et de luttes internes avec le Conseil Présidentiel de Transition (CPT).

Lorsque le Conseil Présidentiel de Transition a lancé un appel à candidatures pour le poste de Premier ministre, plus d’une centaine de postulants, dont des figures politiques notoires comme Paul Antoine Bien-Aimé, Alix Didier Fils-Aimé, et Jean Rodolphe Joazile, ont soumis leur dossier. Garry Conille a émergé comme le choix unanime du CPT, un choix apparemment influencé par des rumeurs selon lesquelles la communauté internationale le soutenait.

Cependant, cette perception s’est rapidement avérée fausse. Smith Augustin, l’un des membres du CPT, fut le premier à comprendre que cette unanimité reposait sur une propagande orchestrée par des proches de Conille. Malgré cette mise en garde, le CPT maintint son choix, ouvrant ainsi la voie à une relation conflictuelle entre le Premier ministre et l’organe chargé de superviser la transition.

Dès la formation de son gouvernement, Garry Conille s’attira la méfiance du CPT en plaçant des proches aux postes clés des ministères régaliens (Justice, Planification, Finances, Intérieur et Affaires étrangères). Les autres ministères furent distribués aux membres du CPT, mais cette répartition déséquilibrée sema les premières graines de la discorde.

La situation s’envenima après un cafouillage diplomatique impliquant la ministre des Affaires étrangères, Dominique Dupuy. Le CPT exigea son remplacement pour calmer l’opinion publique, mais Conille refusa catégoriquement. Peu après, il rejeta également une demande de remaniement ministériel, pour maintenir ses pleins pouvoirs. En traitant le CPT comme un simple organe consultatif, Conille creusa un fossé avec ses alliés supposés.

Face aux pressions du CPT, Garry Conille tenta de riposter en exploitant un rapport de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) impliquant trois conseillers présidentiels, Louis Gérald Gilles, Smith Augustin et Emmanuel Vertilaire, dans une affaire de de 100 millions de gourdes à la BNC. Il demanda officiellement leur mise à l’écart, déclenchant une vive opposition au sein du CPT.

De plus, le chef de cabinet de Conille, Nesmy Manigat, multiplia les déclarations médiatiques provocantes, affirmant que le Premier ministre agissait comme un “super PM” et qu’il envisageait de proceder à des nominations à des postes stratégiques dans les directions générales des organismes autonomes et déconcentrés.

Alors que les tensions atteignaient leur paroxysme, Camille Édouard Junior, secrétaire général de la Primature d’alors , tenta de jouer les médiateurs. Dans plusieurs interventions publiques, il souligna la collaboration entre le Premier ministre et le CPT, particulièrement dans les domaines de la sécurité et de l’organisation des élections. Mais ces efforts furent réduits à néant lorsque Garry Conille, lors d’un forum à Kenscoff, déclara que les conseillers impliqués dans le scandale de corruption devaient être exclus du CPT.

Ces propos publics furent la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Les membres du CPT, unis par un sentiment de trahison, décidèrent de révoquer Conille, le remplaçant par Alix Didier Fils-Aimé.

La chute de Garry Conille illustre les dangers d’une gouvernance isolée dans un environnement politique fragile. En croyant à tort qu’il jouissait d’un soutien indéfectible de la communauté internationale, Conille a sous-estimé l’importance de maintenir des relations harmonieuses avec le CPT, organe clé issu d’un consensus national.

En tentant de marginaliser ses partenaires, il a déclenché une série de confrontations qui ont abouti à son isolement et à sa révocation.