1-Que veulent nos amis ?
Nos prétendus amis, ceux de la coalition américano-onusienne, souhaitent que cette situation perdure aussi longtemps que possible, que ce soit 10 ou 20 ans.

2-Comment procèdent-ils ?
Ils avancent par étapes. D’abord, ils créent le chaos, puis l’organisent en utilisant les gangs qu’ils forment et renforcent en les fédérant. Ensuite, ils placent à la tête de l’État des individus serviles et dévoués, tels qu’Ariel Henry et Frantz Elbé, pour finalement introduire une entité politique absurde comme le Conseil Présidentiel de Transition (CPT), une véritable machine à crise permanente qui leur doit tout, même son existence. Après cela, ils dépêchent une pseudo-mission de police, la Mission Multinationale de Sécurité (MMS), incapable de vaincre leurs gangs, afin de maintenir un équilibre stratégique entre les forces de sécurité et les gangs.

3-Que faut-il entendre par équilibre stratégique dans le contexte haïtien ?L’équilibre stratégique est une situation où les acteurs maintiennent un rapport de force équilibré. De cette manière, le conflit peut se prolonger indéfiniment, aucun camp n’étant capable de prendre le dessus sur l’autre. C’est pour cela que certaines guérillas, une fois cet équilibre atteint, peuvent durer des décennies, comme en Colombie. Ici, les forces de sécurité reçoivent juste ce qu’il faut pour résister aux gangs, sans jamais pouvoir les neutraliser. Mais il faut avoir en tête que, lorsque cet équilibre est manipulé par un acteur extérieur et que nous ne sommes que des marionnettes dans ce jeu, le marionnettiste se réserve le droit de faire pencher la balance dans un sens ou dans l’autre, selon sa volonté ou ses intérêts. Ainsi, cette semaine, ils viennent de donner un coup de pouce aux gangs avec cet embargo qu’ils ont fait voter.

4-Donc, la fin de l’instabilité n’est pas pour demain
Du point de vue américain et onusien, certainement pas. Ils ne prennent même plus la peine de dissimuler leurs intentions. Alors que les gangs multiplient leurs offensives à travers le pays, et que, au moment où nous parlons, la PNH se bat à Solino sous leur assaut, on nous impose un embargo international sur les armes, réduisant encore davantage notre capacité déjà insignifiante à les affronter. C’est littéralement nous livrer pieds et mains liés à ces groupes criminels. C’est scandaleux. Allons-nous vraiment nous contenter de rester silencieux face à cette trahison ? Combien de temps allons-nous accepter d’être désarmés et vulnérables pendant que ceux qui prétendent nous aider facilitent, en réalité, l’expansion de l’insécurité ? Il est temps de lever la voix, de dénoncer cette complicité et d’exiger des solutions concrètes pour protéger notre peuple. À quand des manifestations à New York devant l’ONU, en Floride, à Montréal, à Paris, une marche sur Washington ?

Maintenant, tout dépendra de notre réaction en tant qu’Haïtiens. Néanmoins, nous avons encore une chance.

5-Quelle chance ?
Les gangs n’ont ni idéologie ni discours, contrairement à une guérilla capable de mobiliser les masses ou de susciter une sympathie nationale ou internationale. Et cela reste vrai malgré les efforts de propagande de certains groupes comme Haïti Liberté et certaines ONG.

6-Comment expliquer l’offensive militaire récente des gangs dans l’Artibonite et à Solino ?
Ils en ont reçu l’ordre. C’est évident. Se sentant forts, ils ont lancé ce que l’on pourrait appeler une offensive stratégique qui ne mènera nulle part politiquement. Ils peuvent continuer à tuer, massacrer, incendier, et semer la désolation et la ruine — comme ils le proclament d’ailleurs pour Solino, qu’ils veulent raser — mais un Barbecue, un Izo, un Ti Lapli, un Vitelhomme, un Gwo Lwa, un Lanmò San Jou au pouvoir reste tout simplement inconcevable.

7-Pourquoi est-ce impossible, les gangs au pouvoir ?
Premièrement, ce n’est pas ce qu’ils visent. Ils n’ont aucun objectif politique, contrairement aux guérillas ou autres organisations politico-militaires comme les Talibans ou le Hamas. Ensuite, ils servent des maîtres qui, bien qu’ils aient besoin d’eux, ont honte de leur association et ne les laisseront jamais atteindre un statut politique reconnu.

8-Pourquoi penser qu’ils n’ont pas de projet politique ?
Ces gangs sont tout ce que l’on peut imaginer de pire : tueurs psychopathes, kidnappeurs, voleurs, violeurs. Pourtant, ils ne sont pas stupides, bien au contraire, ils sont parfois plus rusés que nos politiciens. Ils savent comment leurs employeurs les perçoivent : de vulgaires et méprisables criminels en service commandé.

9-Pourquoi ce cynisme ?
Parler de cynisme, c’est émettre un jugement subjectif. Pour ces gens-là, il ne s’agit que d’intérêts économiques : la gestion d’un budget annuel de plusieurs centaines de millions de dollars. Plus la crise dure, plus les profits augmentent.

10-Que peut-on attendre de la mission kenyane ?
Rien ! Cette mission n’est qu’un moyen de générer des fonds pour les profiteurs de l’ONU et leurs alliés, une mission conçue pour durer sans jamais devenir une véritable force combattante.

11-Que faire ?
Il faut d’abord changer de narratif. Pourquoi un voleur qui cohabite avec toi cesserait-il de te voler s’il pense que tu ne te rends pas compte de ses actions ? Tant qu’il croit que tu l’ignores, il continuera ; il a carte blanche pour poursuivre ses méfaits. Nous devons le dénoncer et l’exposer au grand jour. Il est crucial de dire à la coalition américano-onusienne que nous comprenons leur petit jeu. Il faut sensibiliser les journalistes à travers le monde, publier dans les journaux, car se taire, c’est consentir. Nous savons qu’ils ont les moyens de mettre fin immédiatement à cet haïtianicide, pourquoi ne pas le dire ? On ne peut pas continuer à flatter et à remercier notre bourreau en laissant croire qu’il est notre ami, qu’il nous aide. Cela ne fera que prolonger notre calvaire. En encensant des criminels, on a raté l’occasion de faire de la question haïtienne un point fort du débat électoral américain. Côté militaire, Normil Rameau et Derby Guerrier connaissent la solution mieux que nous. Le problème est qu’ils dépendent d’un pouvoir d’État inféodé à des intérêts étrangers et dysfonctionnel à cause des rivalités internes entre la domesticité. Commençons par le faire partir.

12- Existe-t-il une alternative viable pour sortir de cette impasse ?
L’alternative est avant tout d’ordre intellectuel. Il est crucial de rompre avec la pensée politique actuelle, marquée par la soumission à l’ étranger. Il faut avoir la volonté d’être libre et indépendant, et refuser de jouer le rôle d’Oncle Tom, cette incarnation de la servilité, l’esclave incapable de se détacher de son maître, dans un monde en pleine mutation. Nous devons prendre conscience qu’aujourd’hui, plus que jamais, nous n’avons pas de pays de repli ou de secours ; notre avenir dépend entièrement de nos décisions. À partir de cette prise de conscience par une avant-garde éclairée et déterminée, nous serons en mesure de faire des choix réfléchis qui impacteront positivement notre destin collectif.

Il est essentiel de créer, par l’agitation et la propagande, une dynamique de changement qui puisse se passer des manipulations extérieures et se concentrer sur  l’autonomie politique pour affronter l’insécurité commanditée.Nos prétendus alliés, loin d’œuvrer pour la paix et la stabilité, suivent un plan soigneusement orchestré visant à prolonger le chaos pour servir leurs intérêts. L’espoir réside dans la capacité des Haïtiens à se mobiliser, à dénoncer les vraies causes de leur malheur. *On ne peut continuer à rechigner sur l’insécurité sans jamais  dénoncer ceux qui l’ont planifiée.* La clé du changement réside dans la réappropriation de la souveraineté nationale.

Michel Legros
Sitwayen pou Respè Konstitisyon