La situation actuelle à la frontière haïtiano-dominicaine est devenue un terrain de tensions croissantes, avec des enjeux humanitaires, économiques et diplomatiques d’une complexité alarmante. L’annonce récente du président dominicain Luis Abinader concernant l’expulsion massive de près de 10 000 Haïtiens sans-papiers par semaine soulève des préoccupations profondes, non seulement pour les personnes directement concernées, mais également pour les deux nations.

Le gouvernement dominicain justifie ces expulsions sous couvert de contrôle migratoire, mais la situation dépasse largement la simple application de la législation sur l’immigration. Haïti est actuellement plongé dans une crise socio-économique et sécuritaire extrême. L’expulsion de milliers d’Haïtiens ne fera qu’accentuer la situation humanitaire désastreuse, en ajoutant de nouvelles pressions à un pays qui peine déjà à assurer les besoins de sa population.

Les témoignages abondent sur le traitement des Haïtiens en République dominicaine. Ces derniers, y compris ceux qui possèdent des papiers légaux, sont fréquemment victimes de harcèlement et de racisme. Certains se voient même déporter malgré leurs documents en règle, après que leurs papiers ont été confisqués par les autorités dominicaines sans jamais leur être rendus. Cette approche brutale et discriminatoire alimente des tensions historiques entre les deux pays, exacerbant les divisions et les souffrances des personnes concernées.

Face à cette situation, certains acteurs politiques en Haïti estiment que le gouvernement dirigé par le Premier ministre Garry Conille devrait assumer sa responsabilité et accueillir ces compatriotes. Cela nécessiterait non seulement un soutien de base, mais aussi une stratégie de réinsertion efficace. Or, Haïti est confronté à des défis énormes sur le plan logistique et financier, qui compliquent la mise en œuvre de telles mesures. La capacité du gouvernement à fournir une assistance adéquate est limitée par des ressources insuffisantes et par une crise politique chronique.

D’autres voix proposent une réponse plus radicale sur le plan diplomatique. Parmi les options envisagées, l’augmentation des taxes sur les importations en provenance de la République dominicaine est souvent mentionnée. Ce levier pourrait permettre de faire pression sur le gouvernement dominicain pour modérer ses actions. Cependant, une telle mesure comporte des risques importants, car Haïti est fortement dépendant des importations dominicaines, notamment pour les produits de première nécessité. Toute perturbation de ce commerce pourrait avoir des répercussions directes sur la vie quotidienne des Haïtiens, aggravant ainsi les difficultés existantes.

Face à la complexité de cette situation, une réponse équilibrée semble indispensable. Une solution durable passe par un dialogue bilatéral sincère et transparent entre Haïti et la République dominicaine. Les deux nations doivent trouver des solutions respectueuses des droits humains et compatibles avec les intérêts de chaque pays. Une approche fondée sur la coopération régionale, avec le soutien de la communauté internationale, serait bien plus constructive pour atténuer les impacts de cette crise sur les populations les plus vulnérables.

La situation à la frontière n’est que le reflet d’un problème plus vaste et plus profond. L’insécurité, le chômage de masse, et le désespoir croissant poussent les jeunes à quitter Haïti. La mauvaise gouvernance, l’impunité et la corruption ont plongé le pays dans une spirale infernale. Pendant que la République dominicaine continue de progresser, elle semble considérer Haïti comme un “dépotoir”, traitant souvent les Haïtiens avec mépris.

Pour sortir de cette impasse, il est crucial de rétablir la sécurité et la stabilité politique en Haïti. Sans cela, le pays risque de poursuivre sa descente aux enfers, et les migrations désespérées vers des pays voisins resteront une constante douloureuse. Les Haïtiens doivent se réveiller face à l’urgence de la situation.

Il est impératif de garantir un climat de sécurité et de paix pour attirer les investissements étrangers, qui sont essentiels à la création d’emplois massifs en Haïti. La réduction du taux de chômage dépendra d’une économie revitalisée et d’un secteur privé dynamique. Cela ne peut se faire sans une volonté politique forte.

Nos dirigeants doivent faire de la bonne gouvernance une priorité. Haïti a besoin de serviteurs compétents à la tête du pays, capables de travailler dans l’intérêt du peuple plutôt que de leurs intérêts personnels. Un leadership visionnaire, axé sur le service public et la transparence, est essentiel pour sortir Haïti de cette crise multiforme.

En définitive, la crise à la frontière haïtiano-dominicaine est le symptôme de failles internes profondes, tant en termes de gouvernance que de sécurité. La réponse à cette situation exige non seulement une action immédiate pour protéger les droits des citoyens haïtiens, mais aussi des réformes structurelles qui permettront de reconstruire un État fonctionnel, prospère et respecté. Seul un tel changement permettra à Haïti de regagner sa dignité et de garantir un avenir meilleur à ses citoyens.

Dixie Band THELUSMOND
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