Éditorial | Les 100 premiers jours du gouvernement de Garry Conille : entre promesses et réalités

Le 12 juin 2024, Haïti a vu l’installation du gouvernement dirigé par le Premier ministre Garry Conille, suscitant espoirs et attentes. Avec une équipe renouvelée et des promesses ambitieuses, les Haïtiens attendaient des actions concrètes, surtout face à une situation économique et sécuritaire de plus en plus préoccupante. Pourtant, après 100 jours au pouvoir, les résultats restent pour le moment peu visibles.

Dès son entrée en fonction, le Premier ministre Conille s’est engagé dans une série de visites au sein des principales institutions du pays, visant à évaluer les problèmes auxquels elles sont confrontées, pour y apporter des solutions. Des nominations ont eu lieu à la tête de plusieurs directions générales des ministères, cherchant ainsi à insuffler un vent de changement dans l’administration publique. Cependant, malgré ces initiatives, les défis du quotidien des Haïtiens demeurent largement inchangés.

L’un des plus grands fléaux qui gangrène Haïti depuis des années reste l’insécurité généralisée. Les gangs armés, qui contrôlent une grande partie du territoire, terrorisent la population, et malgré la collaboration annoncée entre la Police nationale haïtienne et la force multinationale d’appui à la sécurité, aucune opération significative n’a encore été menée contre ces groupes criminels. Les routes nationales, artères vitales du pays, sont toujours sous le contrôle des gangs, isolant des régions entières et compliquant l’accès à la capitale.

Le Premier ministre a certes promis de reprendre le contrôle de tous les territoires dominés par les bandits, mais jusqu’à présent, ces paroles peinent à se traduire en actes. Cette incapacité à contenir l’insécurité laisse un goût amer au sein de la population, qui souffre au quotidien de la violence et de l’instabilité. Les Haïtiens, épuisés par des années de crises, ne demandent pas des promesses mais des actions concrètes et immédiates.

Sur le plan économique, la situation ne cesse de se détériorer. La cherté de la vie et une inflation galopante ont accentué la précarité dans laquelle se trouvent des millions d’Haïtiens. L’insécurité alimentaire touche désormais une grande partie de la population, avec une augmentation du prix des denrées de première nécessité et un accès toujours plus difficile aux services de base. L’espoir d’un redressement économique semble encore lointain, malgré les engagements du gouvernement en matière de réformes.

Le manque de résultats visibles est également exacerbé par des dysfonctionnements internes au sein du gouvernement. Trois ministres ont été sévèrement blâmés par le Premier ministre pour ne pas avoir respecté les engagements pris au début de son mandat. Parmi eux, les ministres de la Défense, des Travaux Publics, Transports et Communications (TPTC) ainsi que celui de la Santé publique. Ces critiques publiques montrent une certaine désorganisation au sein de l’équipe gouvernementale, où certains responsables peinent à mettre en œuvre les politiques promises.

Dans un contexte où le peuple haïtien attend des résultats concrets, ces frictions internes et cette absence de coordination affaiblissent la crédibilité du gouvernement et ralentissent la mise en place des réformes.

Par ailleurs, plusieurs ministres ont été pointés du doigt pour avoir profité de voyages à l’intérieur du pays, sous prétexte d’activités professionnelles, afin de bénéficier des per diem, des indemnités journalières. Ces accusations ont choqué l’opinion publique, déjà exaspérée par la corruption et le détournement des fonds publics. Dans une période où le pays fait face à de graves crises, ces agissements contribuent à renforcer l’idée d’un manque de sérieux et de priorités au sein de l’équipe gouvernementale.

Pour autant, tout n’est pas négatif. Le Premier ministre Garry Conille a annoncé plusieurs réformes dans l’administration publique, dont certaines ont été bien accueillies par la population. Parmi celles-ci, la décision d’interdire le cumul des contrats dans la fonction publique est une mesure applaudie, car elle ouvre la voie à une meilleure répartition des opportunités d’emploi, notamment pour les jeunes. Cette réforme pourrait permettre à de nombreux nouveaux diplômés d’intégrer la fonction publique, réduisant ainsi un chômage endémique chez la jeunesse haïtienne.

Cependant, ces réformes structurelles nécessiteront du temps pour produire des résultats tangibles, et la population, impatiente, attend des actions plus immédiates pour alléger la crise actuelle.

Autre point de frustration pour le gouvernement, le Premier ministre a exprimé son mécontentement face aux retards dans l’envoi de l’aide internationale promise à Haïti. En particulier, les équipements nécessaires pour renforcer la force multinationale, censée appuyer la sécurité et combattre les gangs, tardent à arriver. Cet appui international, crucial pour rétablir l’ordre dans le pays, est encore largement insuffisant et met en péril les efforts du gouvernement.

Les 100 premiers jours du gouvernement Conille s’achèvent donc sur un bilan mitigé, entre initiatives encourageantes et absence de résultats concrets dans des domaines clés comme la sécurité et l’économie. Le peuple haïtien, qui attend avec impatience une amélioration de ses conditions de vie, n’a pas encore vu de changements tangibles dans son quotidien.

Si le Premier ministre Garry Conille reste déterminé à redresser la situation, il est clair que la route vers la stabilité et la prospérité sera longue et semée d’embûches. Le temps des promesses doit désormais céder la place à des actions concrètes pour que l’espoir renaisse véritablement en Haïti.